De 31 à 40

Chronique N°31 du vendredi 26 janvier 2018. Économies 3 ème épisode

Economies

Episode 3

Conseil des ministres n°20

C’est le même conseil des ministres restreint et augmenté que le conseil n° 12

Fred Monorgueil, Tout Puissant Président de la République, et son Ombre,
René Tréfilou, Premier Ministre,
Léon Fricoseil, Ministre des Economies, des Finances et des Fins de Mois,
Jérémie Jamémieux, Ministre de l’Insécurité Sociale,
Noël Noëlotison, Sous-Secrétaire d’Etat aux Fêtes de Fin d’Année et du Quatorze Juillet,
Jaco Nexion, Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Show-Biz et les Médias Complaisants,
Marguerite Latrique, Ministre de l’Amour, de la Santé, des MST et des Perversions Sexuelles,
Paul Ussion, Ministre de l’Intelligence Industrielle et du Libéralisme Economique,
Mimi Pinson, Ministre de la Culture, des Loisirs, du Jardinage et des Petits Oiseaux,
Olivier Piedemouton, Ministre de l’Agriculture, des
Clones et de la Bio-Analogie,
Fernande Tardépoc, Secrétaire d’Etat au Temps
Présent, à la Recherche et aux Technologies
Rentables,
José Palefer, Secrétaire d’Etat aux Cultes, Sectes et Dévotions.

Madame Mimi Pinson, Ministre de la Culture, des Loisirs, du Jardinage et des Petits Oiseaux, est retardataire.

« Bonjour messieurs et Mesdames les Ministres, Secrétaires et Sous-Secrétaires d’Etat. Je déclare le Conseil des Ministres numéro vingt ouvert. Notre Ministre de la Culture, des Loisirs, du Jardinage et des Petits Oiseaux, madame Mimi Pinson n’est pas là. Peut-être qu’elle se défile. Elle aura mal digéré le conseil numéro seize.

– Notre Tout Puissant Président, il ne faut pas se fier à sa frêle apparence. Madame Mimi Pinson est une véritable autruche. Elle digère tout. Elle m’a passé un coup de fil pour m’avertir de son retard dû à un pigeon diarrhéique qui l’a arrosée d’une monstrueuse fiente alors qu’elle passait sous un marronnier de l’avenue Georges Landem. Elle est rentrée chez elle pour se changer et acheter à la pharmacie un médicament anti-diarrhée pour l’administrer au pigeon.
– Merci pour ces précisions, Monsieur le premier. Vous voyez, il ne faut jamais se fier à ses amis. Dès que vous avez le dos tourné, ils vous chient dessus. Je vais assister à la discussion de la première question à l’ordre du jour, celle qui me tient le plus à cœur : que faire avec les vieux ? N’est-ce pas Monsieur le Premier ?
– Oui, notre Tout Puissant Président.
– Ensuite, Monsieur le Premier, vous présiderez la suite de la séance du Conseil. Je dois accompagner Esméralda à sa répétition de danse ayur-védique pour son spectacle du mois prochain au Colisée à Rome. Elle y tient, et comme je ne sais rien lui refuser, elle me mène par le bout du nez. C’est ma sixième femme. Je me fais toujours avoir. Ne vous mariez jamais. Ah ! J’allais oublier. Quelqu’un, ici, n’a pas pu tenir sa langue. Je crois savoir qui c’est. On m’a signalé un petit entrefilet dans « Rapis Bavard » qui parlait de notre projet pour les vieux. C’est inadmissible. Je vais me fâcher tout rouge. Les médias seront mis au courant quand je le voudrai et pas avant. A vous Monsieur le Premier.
– Monsieur Fricoseil pouvez-vous achever d’exposer votre projet pour faire des économies ?
– Oui Monsieur le Premier. Voilà ! La base de mon système est l’examen, ce qui permettra d’être progressif et intelligent, le contraire de brutal. Tout le monde ne sera pas mis dans le même panier. Pour ceux qui savent vivre, qui ont un esprit curieux, tout restera comme avant.
– Au fait, au fait, Monsieur le Ministre des Economies, des Finances et des Fins de Mois. Assez philosophé.
– Oui, Monsieur notre Tout Puissant Président. Ne soyez pas impatient. J’y arrive. Voilà !

Quand un  citoyen canfrais arrivera à la retraite, on l’invitera à se rendre sur un  site gouvernemental où il étudiera une liste de mille questions avec leurs réponses. Il aura un an pour étudier et profiter tranquillement d’un repos bien mérité, puis il passera l’examen qui consistera à répondre à cent questions choisies aléatoirement parmi les mille. S’il obtient la moyenne ou une certaine note que nous définirons ultérieurement en fonction de nos objectifs financiers, ses frais médicaux seront remboursés suivant le barème en vigueur pour les gens en exercice. Sinon il touchera une somme forfaitaire comme je l’ai déjà expliqué.
– Et pour ceux qui ne travaillent pas ? Les femmes au foyer par exemple ?
– On définira un âge, par exemple soixante ans, mais ça peut être moins, à laquelle ils devront passer l’examen.
– Et si les gens concernés ne se présentent pas ?
– On leur laissera une seconde chance, peut-être même une troisième, pour que l’on ne nous accuse pas d’inhumanité. Mais ils devront payer une amende. Ceux qui s’obstineront dans leur abstention, toucheront automatiquement la somme forfaitaire. En plaçant la barre de la réussite à l’examen nous-mêmes, par décret pour chaque année, nous pourrons décider du nombre de reçus à l’examen en fonction de la conjoncture. Et par exemple lorsque tous les retraités auront été traités, si le taux de réussite est globalement de cinquante pour cent l’économie réalisée par la sécu sera de quatre-vingt dix milliards d’écofrics. A nous de gérer ce taux de réussite. Je pense qu’on ne pourra pas descendre en dessous de vingt-cinq pour cent sans de graves mouvements sociaux.
– Tout ça est très arbitraire et ne laisse guère de place à la concertation.
– Nous avons devant nous deux attitudes possibles. Nous pourrons toujours réunir une table ronde avec des représentants du patronat et des syndicats. Le patronat sera d’accord comme d’habitude et nous ferons semblant d’écouter les représentants syndicaux en les flattant et en leur graissant la patte, comme d’habitude, et le tour sera joué. Je pense que c’est la méthode longue mais sûre. Ou bien nous passons en force et nous serons obligés de reculer. Je le dis avec regret, comme d’habitude.
– Qui veut poser une question à notre brillant ministre ? Monsieur Noëlotison ?
– Que se passera-t-il pour nous lorsque nous arriverons à la retraite ?
– Ne soyez pas inquiets, par décret nous établirons une liste des personnes dispensées de l’examen. Seront concernées essentiellement, celles, qui comme nous, auront consacré notre temps à la vie publique et par là auront démontré leur intérêt pour la vie sociale. Nous y ajouterons les proches, les amis, les amis des amis pour les bénéficiaires qui en feront la demande. Une commission tranchera.
– Merci Monsieur le Premier.
– Je vous en prie. Autre question ? Monsieur Ussion ?
– Mais la mise en place du dispositif va coûter une fortune.
– Non car tout sera informatisé, automatisé, rationalisé.
– Je trouve cette idée géniale et je l’adopte. Ah ! bonjour Madame Mimi Pinson.
– Excusez-moi, monsieur notre Tout Puissant Président …
– Oui, je sais. Vous avez été obligée de faire un brin de toilette. Vos protégés ne sont guère reconnaissant à votre encontre, vous qui vous dévouez tant pour eux.
– Oh ! Monsieur notre Tout Puissant Président !
– Oui excusez-moi.
– Qui est contre la méthode décrite par Monsieur Fricoseil ?
– Vous Madame Mimi Pinson ? Mais vous ne la connaissez pas. Vous venez d’arriver.
– Vous nous avez demandé de nous concerter. Je l’ai fait. Je suis au courant.
– N’est-ce pas vous qui avez dévoilé à la presse une partie de notre projet ? Vous rougissez.
– Si je rougis, c’est de la colère que m’inspire votre réflexion, comme si j’étais capable de trahir ma parole. Demandez plutôt à Jaco Nexion et à Marguerite Latrique qui rigolent dans leur coin.
– Qu’est-ce qu’elle raconte cette péronnelle ? Qu’elle aille se faire voir par ses pigeons.
– Je vous en prie, c’est un conseil des ministres, un peu de dignité, un peu de tenue.
– Oui, Monsieur le Premier, vous avez raison. Excusez-nous. Mais elle m’agace avec son accusation sans preuve.
– Jusqu’à maintenant vous avez évoqué le cas de ceux de nos concitoyens qui partent à la retraite, mais pour les autres ?
– Progressivement nous les traiterons aussi. A quelle vitesse ? D’une façon accélérée mais pas trop pour que le coût de l’opération ne devienne pas prohibitif. Je pense qu’en dix ans nous en serons venus à bout. Deux millions d’examens par an, soit quatre classes d’âge, ça me paraît raisonnable.
– Qui établira le questionnaire ?
– Nous tous ici. Il y aura des questions sur le monde contemporain, les chansons, les vedettes de la télé, le cinéma, l’histoire, la géographie, l’économie, la technologie, les sciences, etc. enfin sur tout ce qu’un honnête homme de notre époque ne peut ignorer sans être une larve qui ne mérite pas de vivre.
– Et c’est vous qui parlez d’honnêteté et qui décidez qui doit vivre et qui doit mourir !
– Madame Mimi Pinson, vous dramatisez toujours tout ! Quand je parle d’honnête homme, c’est dans le sens du dix-huitième siècle et je ne décide pas qui doit vivre ou mourir, mais qui mérite ou non de creuser le déficit de la sécu. Quand perdrez-vous cette mentalité de permettre à tout le monde de vivre sur un pied d’égalité sans effort ?
– Monsieur notre Tout Puissant Président, pourquoi avez-vous refusé sa démission, elle nous gâche toutes nos réunions.
– Chut, j’en ai besoin, elle nous sert d’alibi.
– Alors si je ne suis qu’un alibi, je démissionne.
– Mais non très chère, ne prenez pas la mouche. Je plaisantais, vous savez bien. Monsieur José Palefer vous voulez dire quelque chose ?
– Merci, Monsieur notre Tout Puissant Président. Je veux simplement approuver la qualité du travail de notre Ministre des Economies, des Finances, et des Fins de Mois. Je suis entièrement d’accord avec lui. J’ajouterai que nos cultes, sectes, et dévotions aideront dans la mesure de leur moyen leurs adeptes à préparer l’examen si subtile prévu par Monsieur Jamémieux.
– Attention, il ne s’agit pas de préparer trop bien nos vieux, sinon notre mesure n’aura plus aucune efficacité. Tout le monde réussira l’examen ou alors il faudra mettre la barre trop haut et cela paraîtra suspecte à l’opposition. Vous comprenez ?
– Evidemment. Nous préparerons seulement ceux qui le méritent. Ceux qui votent bien. Cela va de soi.
– Bon, Je vous quitte. Au revoir. Monsieur le Premier, continuez sans moi avec le deuxième point à l’ordre du jour. Nous continuerons cet exposé et sa discussion au conseil numéro vingt-quatre.
– Au revoir Monsieur notre Tout Puissant Président. Messieurs Noëlotison, Nexion, Palefer, Madame Tardépoc, je vous remercie. Faites entrer les autres ministres. Bonjour chères et chers collègues.

Notre deuxième point à l’ordre du jour est la législation du code de la route relative à la signalisation du croisement des pistes cyclables ».

Chronique N°32  du vendredi 9 Février 2018. Economies, 4 ème épisode

Economies

Episode 4

Conseil des ministres n°24

C’est le même conseil des ministres restreint et augmenté que le conseil n° 12 avec :

Fred Monorgueil, Tout Puissant Président de la République, et son Ombre,
René Tréfilou, Premier Ministre,
Léon Fricoseil, Ministre des Economies, des Finances et des Fins de Mois,
Jérémie Jamémieux, Ministre de l’Insécurité Sociale,
Noël Noëlotison, Sous-Secrétaire d’Etat aux Fêtes de Fin d’Année et du Quatorze Juillet,
Jaco Nexion, Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Show-Biz et les Médias Complaisants,
Marguerite Latrique, Ministre de l’Amour, de la Santé, des MST et des Perversions Sexuelles,
Paul Ussion, Ministre de l’Intelligence Industrielle et du Libéralisme Economique,
Mimi Pinson, Ministre de la Culture, des Loisirs, du Jardinage et des Petits Oiseaux,
Olivier Piedemouton, Ministre de l’Agriculture, des Clones et de la Bio-Analogie,
Fernande Tardépoc, Secrétaire d’Etat au Temps Présent, à la Recherche et aux Technologies Rentables,
José Palefer, Secrétaire d’Etat aux Cultes, Sectes et Dévotions.

« Bonjour messieurs et Mesdames les Ministres, Secrétaires et Sous-Secrétaires d’Etat. Je déclare le Conseil des Ministres numéro vingt-quatre ouvert. Monsieur le Premier à vous.
– Merci Monsieur notre Tout Puissant Président.
– Monsieur Fricoseil vous avez la parole pour terminer l’exposition de  notre réforme. Expliquez-nous comment nous nous y prendrons matériellement.
– Merci Monsieur le Premier. C’est très simple. Monsieur Ussion, Ministre de l’Intelligence Industrielle et du Libéralisme Economique avec qui nous avons beaucoup travaillé sur cette question va vous répondre.
– Monsieur notre Tout Puissant Président, Monsieur le Premier, mes chères collègues et chers collègues, voilà une façon de résoudre le problème. Je ne l’impose pas. Il en existe d’autres. Mon beau-frère PDG de la société HARNACo ( Hary Nabel and Co ) spécialisée dans la conception et la fabrication de logiciels et matériel informatique pour les pouvoirs publics propose le protocole opératoire suivant :

Premièrement. Lorsque les salariés partent à la retraite, l’entreprise leur injecte une puce électronique réactive dans le lobe de l’oreille gauche. Coût de l’opération 2,63 écofrics par sujet. Elle contient tous les renseignements qui les concernent, santé, opinons politiques, activités post et péri-salariées, vie familiale, etc.
– Excusez-moi, mais que viennent faire les opinions politiques ici ?
– Bonne question, Monsieur Piedmouton. Comme nous le verrons cela permettra d’attribuer un bonus ou un malus au candidat, à son insu, suivant qu’il pense bien ou mal. Satisfait ?
– Parfaitement ! Donc, chaque candidat a une puce électronique réactive dans le lobe de l’oreille gauche. Pourquoi l’oreille gauche ?
– Il n’y a pas de raison spéciale. C’est juste un choix de dispositif a priori. On aurait pu choisir l’oreille droite.

– L’oreille gauche, c’est très bien. C’est même très habile. Ça montre que nous ne sommes pas sectaires.
– Merci, Monsieur notre Tout Puissant Président. Votre compliment nous va droit au cœur.
– Je vous en prie, c’est tout naturel de féliciter les gens qui le méritent. Continuez.

Deuxièmement. Les jeunes retraités prennent connaissance des mille questions mises en ligne sur le site du gouvernement. Ils les étudient. Coût de l’opération 999 999,99 écofrics par an, ce qui, rapporté à deux million de personnes traitées par an donne un coût de un demi écofric par individu.
– Pourquoi un coût annuel ? Une fois que le logiciel et le site sont en ligne, il n’y a plus à y toucher.
– Grave erreur. Il faut compter avec la maintenance et le renouvellement d’une partie des questions. Je continue.

Troisièmement. Un an plus tard chaque retraité est convoqué pour passer l’examen par QCM.
– Pourquoi ne parlez-vous pas de candidat ?
– Parce qu’il n’y a rien à gagner, mais tout à perdre. Je parlerai plus volontiers de contrôle du plaisir de vivre, de contrôleurs et de contrôlés, ou de la détection d’aptitudes, d’aptes et d’inaptes, de sujets d’étude. Mais je n’ai pas trouvé de mot de remplacement pour candidat. Si vous avez une suggestion à me faire, je l’accueillerai volontiers.
– Pourquoi pas le mot impétrant ?
– C’est un peu pédant et cela ne change rien.
– Vous ne trouverez jamais assez de salles et de surveillants pour le faire passer votre examen.
– Si vous m’interrompez tout le temps, chers collègues, je ne pourrai pas terminer dans les temps et notre Tout Puissant Président s’impatientera.

– Vous avez raison cher collègue. Je me tais. Je ne voudrais pas incommoder notre Tout Puissant Président.
– Je reprends. Troisièmement. Un an après la mise à la retraite les sujets sont soumis au contrôle. Ils sont convoqués à une date, une heure et un lieu précis. Là ils entrent dans une cabine assez spacieuse pour accueillir un obèse. Le sujet est reconnu grâce à la puce contenue dans son lobe d’oreille gauche. La porte se referme automatiquement comme celles des Sanisettes. A ce moment l’écran s’allume et après quelques secondes de musique douce pour que le sujet se sente à l’aise, l’épreuve démarre. La question est écrite sur l’écran, et orale grâce à la synthèse vocale pour ceux qui voient mal ou ne savent pas bien lire. Encore que des gens, en Canfre, au vingt et unième siècle, qui ne savent pas lire ne méritent pas de vivre. Passons. Les réponses possibles apparaissent ensuite en gros caractères sur l’écran tactile. Il suffit de toucher l’écran du doigt sur la bonne. La machine passe à la question suivante, qu’il y ait réponse ou non, au bout de dix secondes.

Il faut empêcher la tricherie. Grâce à la puce, on est sûr que la personne qui est dans la cabine est la bonne. Si une autre, dépourvue ou non de puce, s’introduit en même temps elle sera détectée par le mesureur de volume intégré. On ne pourra pas communiquer avec l’extérieur car un très fin treillage métallique à l’intérieur des parois fera office de cage de Faraday.

L’exploitation des résultats sera immédiate et ceux-ci seront transmis sur le champ à l’ordinateur central de la Sécurité Sociale qui enverra directement et automatiquement, à la fin de l’épreuve, un courrier électronique au retraité pour l’avertir de son sort.

Dès la fin de sa série de questions le candidat évacue la cabine, et le suivant y entre et ainsi de suite, tous les jours de la semaine, y compris les dimanches et jours fériés.
– Vous dites que les résultats seront envoyés à l’intéressé par courriel. Comment feront ceux qui n’ont pas d’ordinateur ?
– Ils se débrouilleront. Si nous étions rationnels ces gens là devraient être placés automatiquement dans les inaptes. Car enfin, comment peut-on aimer la vie aujourd’hui si l’on se désintéresse de l’informatique ?
– Ce système va coûter une fortune.
– Ne croyez pas cela. Si l’on compte cinq secondes pour une question, dix secondes pour sa réponse, les cents questions se passent en mille cinq cents secondes soient vingt-cinq minutes. Mettons cinq minutes de battement entre deux candidats. Il en passe deux à l’heure, soit vingt-six entre neuf heures et vingt-deux heures. Avec vingt-six passages par jour on obtient neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix contrôles par an soit dix mille en chiffres ronds. Si l’on veut procéder annuellement à deux millions de contrôles il faut théoriquement deux cents cabines au minimum, c’est à dire environ deux par département.
– Votre calcul est irréaliste car la population canfraise n’est pas répartie uniformément, d’une part, et d’autre part on ne peut pas obliger les citoyens canfrais à se déplacer sur des distances considérables pour être contrôlés.
– Vous avez raison, c’est pour cela qu’après étude auprès de démographes, mon ministère est arrivé à la conclusion que le nombres de cabines optimal pour tenir compte de vos remarques est de mille. Vu le nombre important commandé, la société HARNACo peut les fournir au prix ultra-compétitif de un million d’écofrics pièce, pose comprise, ce qui fait un total de un milliard d’écofrics pour les mille cabines, soit cinquante écofrics par contrôle puisqu’il y a vint millions de contrôles à faire en dix ans. A cela il faut ajouter dix millions d’écofrics de maintenance par an soit cinq écofrics par contrôle.

Finalement par ce procédé un contrôle revient à cinquante huit écofrics et treize centimes par an alors qu’un inapte coûte neuf mille huit cents écofrics par an. Donc en chiffres ronds la Sécurité Sociale économise quatre-vingt-dix milliards d’écofrics, soit la quasi-totalité de son déficit, si l’on décide de rejeter la moitié des contrôlés. Bien sûr, si l’on décide d’en rejeter davantage, l’économie sera plus grande. Elle pourra même se transformer en bénéfice. Voilà ! Monsieur notre Tout Puissant Président !
– C’est génial. Voilà quelqu’un qui sait aller de l’avant. Voilà une belle réforme comme je les aime. Nous allons créer un nouveau service que nous nommerons « Service informatique de Détection de l’Aptitude à l’Art de Vivre Chez nos Concitoyens » ou SIDAAVCC. On prononcera le sidavque. Qu’en pensez-vous, Monsieur le Premier ?
– Je pense comme vous, notre Tout Puissant Président ! Quelqu’un veut-il intervenir ? Monsieur Piedemouton ?
– Combien de fonctionnaires embaucherez-vous pour administrer le SIDAAVCC ?
– En théorie aucun, puisque sa gestion est entièrement informatisée et du ressort de la société HARNACo.

– C’est dommage parce que mon futur gendre va sortir de l’ENA et qu’il est très compétent en questions d’actualité.
– Bien sûr, nous créerons des postes de fonctionnaires de différents niveaux pour maintenir la liaison entre l’Etat et HARNACo, pour assurer l’avenir d’un certain nombre de nos rejetons et pour remercier ceux qui nous soutiennent. Ne vous inquiétez pas pour la carrière de votre futur gendre. S’il nous donne entière satisfaction, sa voie est toute tracée dans le SIDAACC.
– Merci de votre compréhension, Monsieur notre Tout Puissant Président.
– Autre question ? Monsieur Nexion ?
– Monsieur Ussion et cher collègue, vous nous avez expliqué comment serait réalisé le contrôle des retraités. Vous ne nous avez rien dit pour les autres vieux, ceux qui n’ont jamais travaillé mais qui bénéficient quand-même de la sécu et ceux qui sont déjà pensionnés au moment où commence notre réforme.
– Vous avez raison. Excusez mon étourderie. Nous procéderons à des campagnes d’implantation des puces dans le lobe de l’oreille gauche des vieux par les infirmières du territoire, à l’image des campagnes de vaccination contre la grippe. Justement, soit dit en passant, on ferait bien de supprimer cette vaccination généralisée. Elle maintient en vie des vieux qui coûtent cher. Pour en revenir à notre propos, je préconise de nous occuper à la fois des jeunes vieux et des vieux vieux. Si l’on table sur deux millions de contrôles par an et sur une classe d’âge qui part à la retraite, il reste environ un million et demi de places pur l’examen. Donc la première année, seront concernés si l’on en décide ainsi les gens de soixante, soixante et un, soixante-deux ans et ceux de plus de quatre-vingt-dix ans. La seconde année en tenant compte du vieillissement d’un an de la population, on contrôlera ceux de soixante-quatre, soixante cinq, et ceux de plus de quatre-vingt-cinq ans. Et ainsi de suite. Cela coûtera trois écofrics par individu ce qui amène le coût final unitaire à  soixante et un écofrics et treize centimes. Monsieur Nexion, mon exposé vous suffit-il ?
– Parfaitement, Monsieur le Ministre.
– Un autre éclaircissement ? Madame Mimi Pinson ? J’espère que vous allez être raisonnable et ne pas nous faire parler pour ne rien dire, comme d’habitude.
– Monsieur le Premier, je ne vous permets pas. Chacun et chacune a le droit de s’exprimer. Ma parole n’est pas plus malsaine que celle de Monsieur Piedemouton.
– Madame je ne vous permets pas.
– Excusez-moi Monsieur Piedemouton. Je parle de vous comme de n’importe qui d’autre. Je trouve la méthode parfaitement inhumaine. Enfermer des personnes âgées dans une cabine pour répondre à des questions pendant vingt-cinq minutes sur un rythme soutenu, c’est épuisant et stressant. Les gens vont transpirer surtout en été. En peu de temps l’odeur dans ce petit réduit sera infecte surtout qu’il y a un Canfrais sur trois qui ne se lave qu’une fois par mois. Il y aura des accidents cardiovasculaires. Qu’avez-vous prévu pour assurer la sauvegarde de nos anciens en péril ?
– Si j’étais cynique et inhumain comme vous le dites, je dirais tant mieux. Plus il y aura de ce type d’accident et plus vite nous résoudrons notre problème de déficit. Mais ne craignez rien. Les cabines seront aérées constamment et climatisées. La température y sera maintenue à vingt degrés Celsius, été comme hiver.
– Je sais ce que c’est qu’une climatisation, ça tombe toujours en panne. Ceux qui passeront à ce moment-là seront lésés. Ce ne sera pas équitable.
– Madame Mimi Pinson, l’équité, comme la justice, ne sont pas de ce monde. Notre but n’est pas d’être justes ou équitables, c’est de partager, en utilisant une méthode apparemment rationnelle, donc irréprochable, la population des vieux Canfrais en deux. Ceux qui profiteront pleinement des prestations de la sécu et ceux qui en profiteront moins.
– Le rôle d’un gouvernement n’est pas d’être juste mais d’être économe des deniers de nos concitoyens.
– Monsieur notre Tout Puissant Président, je me permets de livrer le fond de ma pensée, c’est dégueulasse.
– Madame Mimi Pinson vous vous répétez. Si vous ne voulez pas vous soumettre à la solidarité gouvernementale, vous n’avez qu’à donner votre démission, nous vous le proposons à chaque conseil.
– Non je ne la donnerai pas. Vous seriez bien trop contents. Je suis votre conscience, votre Jiminy Cricket. Je mets le doigt sur ce qui vous fait mal quand il vous reste une parcelle d’honnêteté. Vous me virerez lors d’un prochain revirement ministériel. Pour l’instant, j’y suis, j’y reste.
– Je pense que vous avez terminé votre intervention ?
– Non j’ai encore trois questions à poser. La première est : les gens rejetés le seront-ils définitivement ou bien tout le monde repassera-il les tests chaque année ?
– Le partage entre apte et inapte sera définitif et irrévocable. Agir autrement compliquerait trop le procédé et nécessiterait beaucoup trop de cabines. Votre deuxième question ?
– Je le répète : c’est dégueulasse. Ça va à l’encontre des droits de l’homme. Vous condamnez des gens à la souffrance et vous leur ôtez tout espoir.
– Non, on ne les condamne pas à la souffrance. On ne les empêche pas de payer leurs médicaments et leurs soins avec leur propre argent plutôt qu’avec celui de la communauté. On ne leur ôte aucun espoir et en particulier on ne leur enlève pas celui de gagner au loto, à condition qu’ils forcent la chance en prenant des tickets, évidemment.
– Vous êtes affreux et odieux. Vous vous comportez en SS.
– Madame Mimi Pinson, vous vous laissez emporter par votre fougue. Ce n’est pas le langage que l’on attend d’un Ministre des Petits Oiseaux. Vous dépassez les bornes. Retirez ce que vous venez de dire.
– D’abord, je ne suis pas un, mais une ministre. D’autre part je ne me laisse pas emporter par ma fougue, mais par mon indignation. Je peux juste remplacer le mot SS par les deux qui me viennent à l’esprit, bourreaux et tortionnaires. Je peux aussi utiliser le mot criminels.
– C’est nous qui sommes indignés d’avoir une personne comme vous parmi nous. Vous êtes la honte de notre gouvernement.
– J’aimerais avoir l’avis de mesdames Tardépoc et Latrique.
– Notre avis compte si peu. De toute façon nous nous fions à celui de notre Tout Puissant Président.
– Vous êtes des femmes comme moi. Vous ne savez que cirer les pompes de ces messieurs. Vous me dégoûtez. Ma troisième question est la suivante : qui concevra les mille questions et qui les contrôlera pour que ce ne soit pas n’importe quoi ? Qui choisira les cent questions à poser à chaque candidat ?
– Les questions seront conçues par les ministères concernés. Les questions de politique par tout le monde, d’économie par le ministère des économies, celles de culture par votre ministère, madame la ministre de la culture, et ainsi de suite, le nombre de questions dépendant de l’importance relative de chaque ministère. Il n’y aura pas de censure des questions posées. Chaque ministère sera entièrement responsable de ses questions. Si c’est n’importe quoi, c’est sans importance. C’est plus amusant. L’essentiel c’est que les questions proposées soient les mêmes pour tout le monde. La liste proposée à chaque candidat sera formée aléatoirement par ordinateur grâce à un logiciel conçu, réalisé et appliqué par la société HARNACo.
– Madame Mimi Pinson, vous avez fait durer indûment la discussion de cette partie de l’ordre du jour. A cause de vous, je vais sortir de ce conseil plus tard que prévu. Dans quel état sera le soufflé au chocolat de mon dessert ? Hein ?
– Monsieur notre Tout Puissant Président, j’ai l’honneur de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que le sort de millions de citoyens canfrais est plus important à mes yeux que celui de votre soufflé au chocolat.
– Vous êtes une insolente. Mesdames et Messieurs les Ministres, Secrétaires et Sous-Secrétaires d’Etat, pour le prochain conseil consacré à cette question, le numéro vingt-huit, sous l’autorité de Monsieur le Premier, ébauchez une première rédaction de la loi que nous proposerons aux deux assemblées et préparez quelques questions pour savoir si nous sommes sur la même longueur d’onde. Je laisse la parole à notre cher Premier.
– Messieurs Noëlotison, Nexion, Palefer, Madame Tardépoc, je vous remercie. Faites entrer les autres ministres qui patientent dans l’antichambre. Bonjour chers et chères collègues.

Passons à la deuxième question à l’ordre du jour. Donner, aux officiers et sous officiers de gendarmerie à la retraite, l’autorisation d’ouvrir des bordels clandestins pour arrondir leur fin de mois ».

Chronique N° 33  du vendredi 23 Février 2018.

Economies

Episode 5

Conseil des ministres n°28

C’est le même conseil des ministres restreints et augmenté que le n° 24 sauf en ce qui concerne Notre Tout Puissant Président parti aux Seychelles avec Sa Première Dame de Service pour vendre des Airmétros :

Fred Monorgueil, Tout Puissant Président de la République, et son Ombre,
René Tréfilou, Premier Ministre,
Léon Fricoseil, Ministre des Economies, des Finances et des Fins de Mois,
Jérémie Jamémieux, Ministre de l’Insécurité Sociale,
Noël Noëlotison, Sous-Secrétaire d’Etat aux Fêtes de Fin d’Année et du Quatorze Juillet,
Jaco Nexion, Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Show-Biz et les Médias Complaisants,
Marguerite Latrique, Ministre de l’Amour, de la Santé, des MST et des Perversions Sexuelles,
Paul Ussion, Ministre de l’Intelligence Industrielle et du Libéralisme Economique,
Mimi Pinson, Ministre de la Culture, des Loisirs, du Jardinage et des Petits Oiseaux,
Olivier Piedemouton, Ministre de l’Agriculture, des Clones et de la Bio-Analogie,
Fernande Tardépoc, Secrétaire d’Etat au Temps Présent, à la Recherche et aux Technologies Rentables,
José Palefer, Secrétaire d’Etat aux Cultes, Sectes et Dévotions.

« Bonjour Messieurs et Mesdames les Ministres, Secrétaires et Sous-Secrétaires d’Etat. Je préside ce conseil car, comme il l’avait annoncé, notre Tout Puissant Président de la République ne peut pas assister à ce vint-huitième conseil de l’année. Il est parti aux Seychelles avec la Première Dame Esméralda pour conclure l’achat de soixante-cinq Airmétros A2752 par la compagnie locale Airsec. Grâce lui soit rendue pour les efforts qu’il fait pour résoudre nos problèmes économiques. Donc, Mesdames et Messieurs, j’ai le plaisir d’ouvrir ce vingt-huitième Conseil des Ministres de l’année.

Nous écoutons monsieur Fricoseil qui va nous lire le projet de loi qu’il a conçu pour légiférer sur les vieux. Monsieur Fricoseil, vous avez la parole.
– J’ai rédigé ce projet en pensant à l’opposition, aussi je l’ai écrit aussi court que possible pour éviter une avalanche d’amendement. Voilà :

Article premier. Pour diminuer le déficit de la Sécurité Sociale, en limitant le gaspillage médical des vieux, afin de permettre aux gens qui travaillent de profiter pleinement de leurs revenus il a été décidé ce qui suit.

Article deux. Les vieux qui par dégoût de l’existence ou tout autre raison ne participent pas spirituellement à la vie dans notre société reçoivent de la Sécurité Sociale une somme fixe annuelle et modeste comme solde de tout compte qu’ils peuvent utiliser comme ils le désirent pour se soigner ou non. Elle est fixée annuellement par décret par le Ministre de l’Insécurité Sociale. Elle ne peut en aucun cas être inférieure à trente écofrics par an.

Article trois. Pour détecter les vieux dont il est question à l’article deux, il est mis en place un examen entièrement automatique par un moyen informatique et numérique. Il consiste en un Questionnaire à Choix Multiples ( QCM ) de X questions simples confectionné à partir d’une liste de Y questions. Les nombres X et Y sont définis par décret par le Ministre des Economies, des Finances et des Fins de Mois.

Je n’ai pas voulu fixer définitivement les nombres X et Y. On avait parlé de cent et mille, mais peut-être qu’à l’usage on sera amené à modifier ces chiffres, bien qu’ils me paraissent relever du bon sens. Il faut que le questionnaire soit suffisamment étoffé pour que les épreuves par leur difficulté soient significativement significatives. Enfin mon idée est qu’il ne faut rien figer, comme vous le verrez dans la suite des articles.

Article quatre. Chaque ministère, secrétariat et sous secrétariat fournit des questions et leurs réponses relatives à son activité. Leur nombre pour chacun est proportionnel au nombre de fonctionnaires de ces administrations sauf pour les questions de culture générale fournies par le Ministère de la Culture, des Loisirs, du Jardinage et des Petits Oiseaux, et les questions d’actualité fournies par moitié par le Secrétariat d’Etat aux Relations avec le Show-Biz et les Médias Complaisants, et par le Secrétariat d’Etat au Temps Présent, à la Recherche et aux Technologies Rentables. Ces deux types de questions ne peuvent figurer pour moins de douze et demi pour cent chacun du nombre total des questions. Elles sont effectivement mises en place par décret du Premier Ministre.

Je m’explique. Si l’on veut savoir si un petit vieux s’intéresse à la culture et à la vie intellectuelle de son époque, il faut qu’au moins le quart du questionnaire y soit consacré.
– Oui, bien sûr.
– Merci Monsieur le Premier. Je continue.

 A chaque question est attribué un certain nombre de points déterminé par un comité d’experts nommés par le Premier Ministre  qui se réunit une fois par an au mois de janvier.

Un bonus ou un malus, dont les critères d’obtention sont déterminés par ce même comité, est attribué à chaque personne qui passe l’examen en fonction des renseignements contenus dans la puce interactive contenue dans le lobe de son oreille gauche. Le bonus s’ajoute aux points obtenus lors du test. Le malus s’en retranche. L’un comme l’autre ne peuvent dépasser le quart des points nécessaires pour être reçu à l’examen. 

Article cinq. Les modalités matérielles de l’examen et sa mise en place sont confiées par décret du Ministre des Economies, des Finances et des Fins de Mois à une société privée spécialisée dans les systèmes informatiques. Elle est choisie par ce même ministre à la suite d’un appel d’offre public pour une durée de cinq ans renouvelables par tacite reconduction de chaque partie.
– Monsieur le premier, il avait été dit que ce serait la société de mon beau-frère, l’HANACo qui aurait le marché.
– Ne vous en faites pas Monsieur Ussion. Le dossier de la société de votre beau-frère est prêt ?
– Oui
– Nous allons donner un temps tellement court pour poser les candidatures que ses concurrents, qui ne seront pas prêts, ne pourront que raconter n’importe quoi. Pour lui, l’affaire est dans le sac.
– C’est malhonnête !
– Non, madame Mimi Pinson. Ce n’est pas malhonnête. C’est réaliste. Il faut toujours avantager les amis et même les amis de nos amis.
– Avec l’argent des contribuables.
– Eh oui ! Il faut bien qu’il serve à quelque chose. Bon ! Ne nous interrompez plus. Je continue.
– Je ne vous interromps pas. Je donne mon opinion comme dans tout débat démocratique.
– Il y a démocratie et démocratie. Je pense que vous vous trompez d’une démocratie.
– Je vais révéler toutes vos magouilles aux journalistes.
– Ceux qui ont des bonnes places et qui y tiennent la fermeront. Les autres ont des audiences marginales qui n’ont pour auditeurs ou lecteurs que des aigris. Tout le monde se moque de leurs opinions. Par contre si vous continuez à nous mettre des bâtons dans les roues, notre Très Puissant Président va vous faire jeter dans une oubliette du Palais de l’Elysée. Vous irez rejoindre les squelettes des emmerdeuses de votre genre. Je vous précise qu’il y a une oubliette pour les hommes, une pour les femmes et une pour les enfants, en général des bâtards. Il y a ségrégation sexuelle pour éviter le mélange des genres.
– Goujat !
– Je continue, disais-je.

Article six. Les travailleurs, le jour de leur départ à la retraite, reçoivent dans le lobe d’une oreille une puce électronique réactive contenant  un ensemble de renseignements défini par décret du Ministre de l’Intérieur, de l’Extérieur et des Frontières. L’oreille recevant la puce et les services autorisés à injecter la puce sont définis par décret du Ministre de l’Amour, de la Santé, des MST et des Perversions Sexuelles.
– Pourquoi cette imprécision dans l’oreille ? Notre Tout Puissant Président souhaite, avec juste raison, que la puce soit implantée dans l’oreille gauche. Par ailleurs cette mesure préparera la population à ce que tous les citoyens, dès leur naissance portent une puce identique à celle que nous imposons là. De cette façon aucun d’eux ne pourra échapper au suivi intégral. Cela va regimber, mais on s’y fera.
– Très bien Monsieur le Premier. Vous avez raison. Donc l’article six devient :

Article six. Les travailleurs, le jour de leur départ à la retraite, reçoivent dans le lobe de l’oreille gauche une puce électronique réactive contenant  un ensemble de renseignements défini par décret du Ministre de l’Intérieur, de l’Extérieur et des Frontières. Les services autorisés à injecter la puce sent définis par décret du Ministre de l’Amour, de la Santé, des MST et des Perversions Sexuelles.

Article sept. Les retraités concernés par l’article six ont accès, sur leur ordinateur et sur tout ordinateur du Service Public, à la liste des Y questions définie à l’article trois. Ils les étudient pendant Z mois. Ce nombre étant défini par le Ministre de l’Insécurité Sociale. Il ne peut être inférieur à douze.

Après ce laps de temps les retraités sont convoqués pour passer l’examen par informatique conformément au protocole mis au point par la société qui gère l’examen. Sont reçus et conservent leurs droits entiers à la Sécurité sociale les retraités qui ont obtenu un nombre de points suffisant déterminé chaque année au mois de janvier par une commission nommée par le Premier Ministre. Ceux des retraités qui n’ont pas obtenu ce nombre de points perdront leur droit à la Sécurité Sociale mais recevront l’indemnité annuelle définie à l’article deux de cette loi. Ils peuvent recevoir tous les soins qu’ils désirent à leurs frais.

Article huit. Les ayant-droits à la Sécurité Sociale non salariés sont soumis à leur soixantième anniversaire au même traitement que celui défini pour les salariés dans les articles un à sept.

Article neuf. Chaque année, jusqu’à épuisement de la population de plus de soixante ans, un certain nombre de citoyens choisis par décret par le Premier Ministre sera exposé au processus défini par les articles un à sept.
– Voilà, qu’en pensez-vous Monsieur le Premier ?
– Parfait, parfait ! Quelqu’un a-t-il une question à soulever ? Monsieur Nexion ?
– Et nous là-dedans, on ne va tout de même pas être traité comme le vulgaire lorsqu’on arrivera à la retraite ? Et nos vieux parents ? Moi, mon père est parfaitement inculte. Il ne sait même pas que je suis ministre. Et je ne parle pas de ma mère qui ne connaît que Charles Aznavour. Avec votre système dont vous avez l’air très fier, si on leur supprime la sécu je vais être obligé de payer leurs soins. Si je ne le fais pas, la presse va s’en emparer. J’aurais l’air fin avec une telle casserole humanitaire ! Ils vont me coûter la peau des fesses avec tout ce qu’ils trimballent comme maladie à cause de leur alcoolisme.

Chronique 34 du vendredi 09 mars 2018

Éventuelle scission

– Monsieur le Secrétaire d’Etat, je vous remercie de votre intervention. Je vais répondre à votre souci bien légitime. J’ai gardé pour la bonne bouche les articles dix, onze et douze de notre projet de loi. Ils balaient, du moins je l’espère, votre inquiétude. Je les ai rédigés sous l’impulsion de Monsieur le Premier. Les voici.

Article dix. Des citoyens méritants dont les qualités intellectuelles et l’intérêt pour la société sont de notoriété publique sont dispensés jusqu’à leur mort totale, de l’examen défini ci-dessus et bénéficient automatiquement des droits complets de la Sécurité Sociale jusqu’à leur décès définitif. La liste de ces citoyens comprend les anciens Présidents de la République Ministres, Secrétaires, Sous-Secrétaires d’Etat, Sénateurs, Députés, Préfets, sous-Préfets, Anciens Elèves de l’ENA, de Polytechnique, des Mines, de Central et quelques autres Grandes Ecoles dont la liste est établie chaque année par décret par le Premier Ministre. Bénéficient aussi de cette mesure certains journalistes dont la liste est établie par le Secrétariat d’Etat aux Relations avec le Show-Biz et les Médias Complaisants.

Je parle de mort totale et de décès définitif afin qu’il n’y ait pas ambiguïté dans le cas d’un coma de longue durée comme cela arrive douloureusement parfois. Je continue.

Article onze. Les ascendants directs et descendants directs des personnes définies à l’article dix peuvent bénéficier à titre définitif de la dispense de l’examen défini ci-dessus sur recommandation des personnes concernées par l’article dix dans les mêmes conditions que ces personnes. La liste des bénéficiaires  est établie par le Ministère des Economies, des Finances et des Fins de Mois. Elle est publiée au Journal Officiel.

Article douze. Sur proposition des personnes concernées par l’article dix, leurs parents non ascendants et descendants directs, leurs amis, amis d’amis, connaissances et relations, peuvent bénéficier d’une dispense  temporaire de l’examen défini ci-dessus de plus ou moins longue durée et profiter des prestations complètes de la Sécurité Sociale pendant cette période

Elles retombent dans le droit commun et sont soumises à l’examen et à ses conséquences dès qu’elles ne sont plus protégées par la dispense. La liste des bénéficiaires sera établie par le secrétariat  d’état aux Relations avec le Show-Biz et les Médias Complaisants. Elle sera publiée au Journal Officiel.

Article treize. Les personnes concernées par les articles dix, onze et douze, sauf dérogation accordée par qui de droit, sont soumises à l’implantation de la puce interactive à partir de leur soixantième anniversaire.

Article quatorze. La totalité des dispenses d’examen accordées ne peut pas dépasser cinq pour cent d’une classe d’âge.

Article quinze. Les personnes convoquées à la séance d’implantation de la puce qui ne se présentent pas sont  taxées d’une amende de dix pour cent de leurs revenus prélevée automatiquement par le Trésor Public et ce autant de fois qu’elles sont défaillantes. Il n’y a pas de dérogation possible.

Article seize. Les personnes convoquées à l’examen qui ne se présentent pas sont taxées comme il est prévu à l’article quinze. Il n’y a pas de dérogation possible.

Pour finir, j’ai repris une idée de Monsieur Jamémieux pour ce qui concerne les vieux qui ne pourront pas se soigner.

Article dix-sept. Les ONG, les  organisations humanitaires et philanthropiques sont autorisées à utiliser des traitements par sédatifs pour permettre aux vieux sans le sou de ne pas souffrir de la faim ou d’autres maux, de façon aussi puissante et prolongée que nécessaire, pour éliminer les souffrances de cette population.

Voilà, Monsieur le Premier, j’ai terminé.
– Voilà une affaire rondement menée. Avec notre immense majorité dans les assemblées, cette loi de modernisation va passer comme une lettre à la poste, si j’ose cette métaphore qui n’est plus d’actualité depuis la privatisation de cette dernière. L’opposition va contester pour la forme comme les autres fois. En fait elle se réjouira qu’elle existe et qu’elle n’ait pas à la voter, si par malheur pour elle, elle revenait aux affaires. Question ? Madame Mimi Pinson, toujours vous ? J’espère que vous n’allez pas contester !
– Si ! Monsieur le Premier. Les articles dix, onze et douze sont une honte. C’est l’institutionnalisation de l’injustice et de l’inégalité des citoyens devant la loi. C’est la voie ouverte au chantage et au clientélisme. J’ai honte de faire partie de ce gouvernement !
– Madame la ministre je vous fais à nouveau remarquer que vous vous répétez. Essayez d’être un peu originale. Je vous l’ai déjà dit, la justice n’est pas de ce monde, alors profitons-en pour mettre l’injustice à notre service. Ces articles que vous vilipendez nous aideront à gagner des voix. Ils seront un moyen de pression sur des gens âgés, un peu gâteux, mais encore influents. Je vous l’ai déjà dit aussi : quand on gouverne tous les moyens sont bons, y compris l’injustice, la mauvaise foi, le mensonge et la malhonnêteté pour arriver à ses fins et garder le pouvoir. Si vous n’avez pas compris ça, inutile de faire de la politique et de participer au gouvernement.
– Vous êtes mortellement cynique, d’une malhonnêteté déclarée. Je me répète, je me suis fait piéger. En acceptant ce poste qu’on m’a offert sur un coussin de velours, soit disant pour mes qualités, je n’ai pas réalisé que j’étais surtout un alibi. Mais maintenant que j’y suis j’y reste jusqu’au prochain remaniement.

Pour en finir avec cette loi de modernisation qui est un retour en arrière de cent ans, je vois que toutes vos manœuvres sont faites pour recréer une république de copains et de coquins. Je n’y souscris pas.
– Vous direz ça à notre Tout Puissant Président.
– Je ne vais pas me gêner, même si cela doit me faire tomber dans une oubliette de l’Elysée. Et l’article dix-sept. C’est l’officialisation de l’euthanasie pour cause de pauvreté. Vous allez supprimer des consommateurs de produits canfrais pour transférer leurs modestes revenus à des riches qui achèteront des gadgets modernes importés. Vous creuserez le déficit de la balance commerciale.
– Bon. Assez bavardé. Passons à des modèles de questions. Une question politique que j’ai imaginée.

Notre Tout Puissant Président a été réélu parce qu’il est :

très intelligent, très politique, très sincère, très habile, très capable de faire le bonheur des Canfrais, amoureux de l’argent et du pouvoir.

A votre avis quelle est la bonne réponse pour cette question à cinq points ?
– Parce qu’il est très politique.
– Non.
– Parce qu’il est très habile.
– Non.
– Parce qu’il est très intelligent.
– Non.
– Parce qu’il est très capable de faire le bonheur des Canfrais.
– Non.
– Parce qu’il est très sincère.
– Non.
– Parce qu’il est amoureux de l’argent et du pouvoir.
– Non. Vous n’y êtes pas du tout. Il faut cocher les six réponses car notre Tout Puissant Président est tout cela à la fois.
– Oh ! Monsieur le Premier, c’est très fort.
– Je sais. C’est pour ça que je suis Premier Ministre. Madame Mimi Pinson votre question ?
– Je ne veux pas être complice d’une telle mascarade. Je n’en ai pas préparé.
– Je m’en doutais. J’en ai préparé une de culture générale à votre place.

La neuvième symphonie de Ludwig Van Beethoven a été composée par :

Victor Hugo, Mozart, Beethoven, Madona, Gainsbourg.

Je ne vous ferai pas l’affront de vous demander quelle est la bonne réponse. Madame Latrique, Ministre de l’Amour, de la Santé, des MST et des Perversions Sexuelles, quelle question avez-vous préparée ?
– Je la lis, Monsieur le Premier.

Parmi les mots suivants quels sont ceux qui se rapportent à la lutte contre la propagation du SIDA pour l’instant ?

aspirine, vaccin, capote anglaise, condom, préservatif, abstinence, virginité.
– Merci Madame Latrique. Votre question est excellente. Il faut bien sûr cocher les cinq dernières possibilités. Nous en ferons une question à cinq points. Qui d’autre a préparé une question ? Monsieur Noëlotison ? Nous vous écoutons.
– C’est une question toute bête, Monsieur le Premier.
– Ce sont les meilleurs. Ne soyez pas timide. Allez-y.
Le quatorze juillet est une fête :

américaine, départementale, militaire, constitutionnelle, académique, nationale.
– Très bon. Bravo. Monsieur Jaco Nexion, Secrétaire d’Etat aux Relations avec le Show-Biz et les Médias Complaisants ? Nous vous écoutons.
Quel est l’âge de Johnny Hallyday ?

quinze ans, quarante-huit ans, soixante-cinq ans, quatre-vingt six ans, cent deux ans.
– Très bien. Félicitations. Tout le monde a compris. Notre Tout Puissant Président va être ravi, lui qui fait tant semblant d’aimer Johnny. Il ne reste plus qu’à en préparer mille autres du même tonneau. Alors tous au travail.
– Il serait bon d’attendre que la loi soit votée avant de se lancer tête baissée dans la confection des questions, ce qui reste un gros travail ?
– La loi sera votée puisque notre Tout Puissant Président le veut. Alors, au boulot. Et les petits vieux incultes n’ont qu’à bien se tenir.

Fin de la nouvelle ‘Economies’

Chronique 35  du  vendredi 23 mars 2018

L’indécidable.

Dans cette chronique, exceptionnellement, je ne dirai rien des riches ou si peu.

Un dimanche il y a quelque temps nous sommes allés, ma femme et moi, déjeuner chez mon fils et sa femme. Nous avons discuté de choses et d’autres avec parfois des divergences sans nous mettre d’accord mais sans nous taper dessus.

Ma belle fille m’a fait remarquer que dans sa famille on ne devait jamais parler des sujets qui fâchent. J’ai senti une certaine admiration pour la nôtre où tous les sujets pouvaient être abordés.

On peut se poser une question. Quelle est la meilleurs méthode pour élever les enfants ? Parler avec les risques liés à la liberté de parole ou au contraire vivre en silence ? Quelle est celle qui donne les meilleurs adultes ? La réponse est évidemment discutable. Je dis qu’elle est indécidable, mot qui s’applique à des théories mathématiques dont on ne peut pas dire si elles sont vraies ou fausses, c’est à dire si on ne peut pas répondre par oui ou non à une question posée (voir ce mot dans wikipédia). Je pense qu’il peut s’appliquer à beaucoup de sujets, de ceux dont on discute sans fin sans jamais parvenir à un accord, qui peuvent se transformer en dispute pour finir en pugilat, car disait mon prof de philo « de la discussion n’a jamais jailli la lumière »et j’ajouterai « seulement peut-être 36 chandelles ». Ce sont les sujets dits polémiques, qu’on redoute dans les réunions familiales qui font la joie des médias car ils permettent de discuter sans fin par jeu, par intérêt ou par ennui.

Avant d’en donner quelques exemples, je citerai une anecdote. Quand j’étais ado dans un bistro un type a dit : « il paraît que quand on lance un morceau de sucre même violemment contre une vitre elle ne se casse pas !

-Ça m’étonnerait !
-Qui a pu dire une connerie pareille ?
-Si, c’est sûr je l’ai entendu, même que mon père a entendu la même chose ! »

Et la discussion continue ainsi un moment chacun apportant un argument. On est dans le domaine de l’indécidable jusqu’au moment où l’un des protagonistes dit : « puisque tu y crois tant qu’ça à ton histoire t’as qu’à balancer de toutes tes forces ce morceau de sucre, pas dans la vitrine, mais contre le carreau de cette fenêtre. On verra bien ! ».

Le type balance le sucre de toutes ses forces contre la vitre. Résultat, il doit payer la vitre. On est maintenant dans le domaine du décidable pour les vitres de faible épaisseur ! Un autre type  a sorti une noix de sa poche en racontant la même chose que pour le sucre. Le groupe est resté dans l’indécidable !

Et maintenant un exemple de question indécidable :

A-t-on le droit de se moquer, sous une forme qui peut être prise pour une insulte, d’une religion qui est pratiquée au loin par des millions d’individus ? A-t-on le droit d’humilier des gens à cause de leurs croyances ? Est-ce une façon intelligente d’obtenir une évolution positive ? Ne risque-t-on pas d’offenser les gens modestes et surtout leurs guides ? On croit être protégé par la distance. N’y a-t-il pas lieu de craindre des représailles, une vengeance qui peut paraître légitime, quand on sait que des fanatiques sanguinaires s’agitent avec succès dans ce lointain espace et ne considèrent comme seule réponse valable à l’insulte ou seulement à la contradiction que la violence ? Faut-il en accepter stoïquement les éventuelles conséquences ?

La réponse à ces questions est évidemment indécidable pour les gens qui réfléchissent.

Même si nous ne sommes que quelques-uns à tenir un certain langage par rapport aux millions de personnes  qui disent le contraire, avons-nous tort ? N’oublions pas qu’il y a quelques siècles on brûlait des gens en Europe pour moins que ça. Irait-on dire à un boxeur qui ne vous a rien fait en le regardant dans les yeux : « les boxeurs sont des cons » même si on pense que c’est la vérité ? Faut-il assumer l’éventuelle conséquence de ses actes ?

Charlie avait-il tort ou raison ? Une discussion calme entre personnes bien élevées et de bonne foi permet-elle de trancher ces questions de façon  définitive ? Bien sûr que non. Chacun campera sur sa position. C’est indécidable !

Il existe une infinité de questions indécidables. En voici quelques unes :

-Freud était-il ou n’était-il pas un faiseur ?
-Qui a raison, le croyant, l’agnostique ou l’athée ?
-L’homéopathie soigne-t-elle des gens qui se croient malades pour qu’ils se croient guéris ?
-En ce qui concerne les émigrés, qui a raison, l’extrême gauche ou l’extrême droite ?
-Quel est le meilleur parti politique ?
-Faut-il autoriser l’euthanasie ? La PMA ? Les recherches sur les embryons humains ?
-Etc. ?

Tout sujet polémique est indécidable mais c’est amusant de polémiquer tant qu’on ne se prend pas trop au sérieux et que le sort du monde n’est pas entre nos mains. Ça fait passer le temps.

Les réponses aux questions polémiques indécidables données dans des discussions sont des points de vue, des opinions, des convictions dictées par les sentiments des discutailleurs qui retiennent des arguments apparemment objectifs pour leur donner un air de vérité rationnelle et logique. Ils ne convainquent que celui qui les énonce, les girouettes et ceux qui sont du même avis.Les réponses aux questions indécidables sont des vérités relatives. Les gens aux opinions extrêmes ne veulent pas le savoir ou ne peuvent pas le comprendre.

Rendre l’indécidable décidable

Pour la majorité des gens, d’une population et à tous les niveaux sociaux vivre dans l’indécidable, c’est vivre dans l’indécision et il n’y a rien de plus inconfortable et inquiétant que de vivre dans l’indécision, dans le questionnement. Aussi inconsciemment, cette majorité se soumet aux malins qui lèvent l’indécision, le plus souvent de façon arbitraire.

– Pour les riches la vérité est dictée par leur porte-monnaie. Exemple : Dieu existe-t-il ? Oui puisqu’il me permet (et même m’ordonne) d’être riche.
– Les régimes totalitaires imposent leur vérité. Ceux qui la mettent en doute sont neutralisés. Exemple : quelle est la meilleure forme de gouvernement ? Le dictateur répond : «  la mienne puisque je l’affirme ».
– Les religions inventent des vérités. Ceux qui les mettent en doute sont des hérétiques. Il faut les brûler. Qui a raison des chiites ou des sunnites ? Les chiites si je suis chiites, les sunnites si je suis sunnite, et on se massacre dans l’allégresse.
-Les démocraties sont des roublardes. Elles savent que pour les questions indécidables il n’y a pas de vérité mais elles font semblant de croire le contraire. Elles ont inventé la vérité à dimension variable. La vraie vérité est celle de la majorité qui est généralement celle de ceux qui parlent le plus fort. Les instituts de sondage sont là pour dire la vérité. Les vérités fausses provisoires ont le droit de s’exprimer pour devenir un jour des vérités vraies provisoires pour que dans le même temps les vérités vraies provisoires deviennent des vérités fausses provisoires et ainsi de suite sans que les gens raisonnables ne se foutent sur la gueule. Autrefois les changements de majorité illustraient ce principe. Exemple plus ponctuel : l’avortement est-il moral ? Non autrefois, oui aujourd’hui. Mais ça peut changer.

Les heureux de l’indécidable

Les questions indécidables font la joie et les choux gras de journalistes qui convoquent force intellectuels médiatiques, spécialistes et experts de toute sorte qui nous abreuvent et nous noient sous des arguments écrits ou parlés qui ne font pas avancer le schmilblick d’un millimètre puisque par définition l’indécidable est indécidable, mais ça occupe.

Moralité

Voilà ce que j’aurais pu dire aux enfants le dimanche en question si je n’avais pas eu l’esprit d’escalier. J’ai été content de l’écrire car ainsi je peux exprimer exactement ma pensée sans dévier de ma vérité. Ça m’a fait passer un agréable moment en pensant

Chronique 36 du vendredi 6 avril

La structure du monde d’aujourd’hui. Première partie

Un résumé des chroniques de PéPé.

Dans ces pages je vais essayer de résumer succinctement les idées que j’ai développées tout au long d’un peu plus d’une année de chroniques sur ceux qui font le monde dans lequel nous vivons : les riches, les super et les hyper riches (pour faire le parallèle avec les super et les hyper marchés qui ont ruiné les boutiquiers). Qu’ils soient riches par tradition familiale ou nouveaux riches ils ont tous la même mentalité :

s’enrichir toujours davantage et par tous les moyens légaux ou non aux détriments de la majorité des populations. Arrivés à un certain niveau de richesse ils méprisent l’humanité dans son ensemble. Ils ont le sentiment de la dominer et ne voient en elle qu’une masse grouillante et puante à exploiter qu’ils redoutent cependant.

Un peu d’histoire

Les Lumières, ces philosophes du 18 ème siècle, nous ont débarrassé de la mainmise de la religion et ils ont donné une espérance dans le progrès qui, à leurs yeux, devait soulager petit à petit l’humanité tout entière de sa condition laborieuse et de sa soumission aux puissants.

Contrairement à ce qu’ils affirment avec morgue les intellectuels traitent les mêmes sujets que ceux traités au Café du Commerce, mais, parce qu’ils sont délicats et raffinés, ils compliquent tout, ils coupent les cheveux en quatre puis en huit, puis en seize et ainsi de suite de façon à être les seuls à s’y reconnaître pour expliquer le monde et noyer le poisson. Ils oublient ou font semblant d’oublier qu’il n’y a pas un homme mais des gens et que les moteurs des actions humaines, ce sont les passions bonnes ou mauvaises, basses ou élevées, et les sentiments nobles ou viles (orgueil, jalousie, envie, cupidité, haine, générosité, indifférence, pitié, charité, cruauté, indifférence, lâcheté pour n’en citer que quelques-uns) qui façonnent l’histoire. Les riches ignorent la philosophie sauf quand elle les encourage à s’enrichir davantage car on y trouve de tout.

Pourtant depuis que l’homme s’est sédentarisé les choses sont simples. Les sociétés en se civilisant se sont divisées en deux couches :

-une couche (ou classe) mince ou très mince, la couche supérieure, appelée suivant le cas aristocratie, noblesse, élite. Elle est constituée de quelques individus oisifs ou occupés à intriguer. Elle possède les richesses et le pouvoir. Elle est généralement dominée par un homme appelé tyran, empereur, pharaon ou roi.

-une couche (ou classe) épaisse, la couche inférieure ou d’en bas, constituée du reste de la population appelée peuple, plèbe, masse ou multitude. Elle ne possède rien. Elle se coltine tout le boulot, elle fournit à bouffer. Elle est la propriété de la couche supérieure et donc à sa merci. Celle-ci possède sur chacun des individus de la couche inférieure, suivant les époques, droit de vie et de mort, droit de cuissage, droit de punir, droit de déporter, etc.

Cette disposition de la société humaine est probablement une fatalité biologique car on l’observe chez les mammifères qui vivent en meutes ou en sociétés comme les loups et les singes. Même chez les vaches suisses on en trouve qui veulent être chefes de troupeau.

Au sein de ces sociétés grenouillent des gens que j’appelle les malins qui tirent leur épingle du jeu, échappent à l’esclavage, en s’attirant les bonnes grâces de la couche supérieure parce qu’ils savent se rendre utile sinon indispensables aux puissants pour réaliser leurs rêves les plus fous : administrateurs, commerçants, artistes, ingénieurs, architectes, prêtres et militaires. Dans les sociétés actuelles les malins sont ceux qui savent s’immiscer dans les failles du système pour aider les riches à s’enrichir toujours plus tout en grappillant des miettes pour eux-mêmes comme par exemple les avocats dits d’affaires ou les traders.

Au cours de l’histoire l’élite a forcé la plèbe à exécuter des travaux monstrueux appelés monuments sans utilité mais prestigieux à la gloire des possédants : cités, châteaux, temples, pyramides, cathédrales etc. que l’on glorifie et admire aujourd’hui en oubliant qu’ils ont été bâtis sur la misère qui, elle, ne laisse pas de trace pour donner des remords. Ce phénomène se perpétue sous nos yeux.

Cela a été vrai en tout temps et en tout lieu du monde. On a pu assister ponctuellement à quelques rares exceptions constituées par des démocraties généralement éphémères.

Grosso-modo l’histoire de l’ancien régime en France est l’illustration de cette théorie. Et puis il y a eu un accident, la révolution de 1789 où une variété de privilégiés, la noblesse a été remplacée par une autre, la bourgeoisie. Cependant parce que certains éléments de la couche d’en bas se sont, depuis, constamment agités, battus, révoltés avec la complicité généreuse de quelques personnes du monde d’en haut et à cause des nécessités économiques et techniques, petit à petit en occident, les conditions de vie des moins bien pourvus par la naissance se sont améliorées après bien des péripéties jusqu’aux trois quarts du vingtième siècle. Et là l’horreur a recommencé d’abord lentement, puis le phénomène s’est accéléré surtout après la chute du mur de Berlin jusqu’à aujourd’hui.

La pensée libérale

Elle a été induite par une idéologie ancienne venue des EU d’Amérique appelée capitalisme. Sa propagande sournoise et insistante a convaincu les gouvernants européens. Cette idéologie s’appuie sur l’axiome libéral quasi religieux suivant : le société idéale à atteindre dans laquelle le bonheur universel règnera sera un monde dans lequel les acteurs économiques seront libres d’agir comme ils l’entendent sans état et sans loi pour les freiner ou les contrôler et que, naturellement, ce système sera régulé par la sacro-sainte loi du marché édictée par le Dieu Economie, avec comme corollaire la richesse universelle qui ruissellera sur l’humanité entière qui nagera dans l’enchantement. Cette religion est justifiée à l’aide d’arguments pseudo rationnels et diffusée par des prédicateurs malins appelés économistes qui y trouvent leur compte. Les riches les adorent.

Il existe cependant des économistes schismatiques qui dénoncent la fausseté de cette théorie. Ils sont parfois écoutés en cas de crise grave provoquée par la théorie libérale. Cela prouve deux choses : que l’économie n’est pas une science et donc que la vérité en matière d’économie est indécidable.

A ce sujet il est bon de rappeler que les intellectuels en général et les économistes en particulier ont un énorme avantage sur les salariés confrontés à la matière. Lorsqu’ils se trompent ils sont rarement sanctionnés parce qu’ils savent se défendre en invoquant des arguments qu’ils fabriquent aisément puisque avec des mots on peut tout prouver et puisqu’ils  travaillent dans l’indécidable. On connaît de ces gens en France qui ont passé leur vie  à donner des pronostics, des jugements et des conseils foireux, et pourtant ils sont toujours en place et continuent à jouer les pythies. Au contraire d’un ingénieur ou d’un ouvrier qui se fait virer pour faute grave lorsqu’il se trompe car le résultat du travail sur la matière est appréciable immédiatement et sans hésitation : ça marche ou ça ne marche pas, un avion vole ou tombe.

Les riches

Que sont les riches ? D’abord il y a les gens qui se croient riches. Ma mère était une pauvre couturière en chambre qui tirait le diable par la queue. Elle se croyait riche. Victime de la propagande libérale, elle votait à droite parce qu’elle avait peur que les ouvriers des usines Renault viennent lui piquer le peu qu’elle possédait. Des gens en démocratie, bien imprégnés de propagande libérale votent contre leurs intérêts.

Ensuite il y a les vrais riches, super et hyper riches, surtout américains, qui font la pluie et le beau temps dans leur pays et à travers le monde par l’intermédiaire des gouvernants qu’ils manipulent pour servir leurs intérêts. Ce sont eux qui ont prôné la mondialisation et la libéralisation du commerce. Ils ne veulent pas que les états mettent leur nez dans leurs magouilles, car pour ces gens tous les moyens honnêtes ou malhonnêtes sont bons pour augmenter leur fortune sans se préoccuper des conséquences de leurs actes pour le reste de l’humanité qu’ils méprisent. Ils échappent à l’impôt à chaque fois qu’ils le peuvent car ils ne veulent pas contribuer à nourrir ceux qu’ils appellent ‘des feignants’ qu’ils ont contribué à appauvrir et mettent au chômage. Ils pompent les richesses du monde à leur profit : un pour cent de la population est propriétaire de cinquante pour cent de la richesse mondiale (Oxfam, dont on peut se demander quand-même comment ils sont arrivés à ce résultat). Un peu plus d’un millier de milliardaires détient trois fois le produit intérieur brut annuel de la France (magazine Forbes). En Chine aussi il y a des riches, mais pour l’instant ils se contentent de s’immiscer discrètement dans l’économie mondiale sans dicter leurs lois comme le font les Américains. Peut-être que ça viendra !

En un mots les riches sont des voleurs légaux des richesses des populations nationales ou mondiales en conformité avec les lois de l’économie libérale, dont celles de l’OMC, qu’ils ont écrites ou initiées à travers les hommes politiques à leur solde. Ils détiennent le vrai pouvoir. Sans scrupule, au delà de l’appauvrissement de certaines populations du tiers monde ils sont à l’origine de bien des guerres et des massacres qui provoquent les émigrations dont on se plaint en occident aujourd’hui ! Les riches se bouffent le nez mais une convergence d’intérêts (devenir toujours plus riche) provoque une certaine solidarité entre eux qui prend aux yeux du monde l’aspect d’un complot.

Il y a deux types de riches, les nouveaux et les héritiers. Les premiers sont devenus ce qu’ils sont non pas parce qu’ils étaient supérieurement intelligents mais parce qu’ils étaient malins, entreprenants, courageux, travailleurs, qu’ils ont su innover, saisir une opportunité et s’engouffrer dans un créneau. Quand, peut-être à leur propre étonnement, ils ont commencé à faire fortune alors ils ne se sont jamais trouvé assez riches, car l’appétit vient en mangeant. Il leur en a fallu et il leur en faut toujours plus. Ils ont fait et font encore une multitude d’envieux qui les imitent et les prennent pour modèle en fondant des entreprises (des start-up comme on dit en bon Français) avec l’espoir de toucher le gros lot (le jack-pot). Comme pour entrer au paradis, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Parmi ces gens il y en a qui sont sincères et d’autres qui  ne veulent que gruger des gogos (voir l’éclatement de la bulle internet des années 2000).

Les seconds, les héritiers, ne font rien d’extraordinaire. Ils se contentent d’arrondir la pelote transmise par leurs ascendants quand ils en ont la volonté et le sens des affaires et de se ruiner dans le cas contraire. Les premiers comme les seconds s’appuient sur des collaborateurs dont le rôle est de maximiser leur enrichissement. En France ceux-ci, toujours très intelligents et souvent très avides, sont formés par le système éducatif français essentiellement dans les grandes écoles et un peu dans les  facultés, poussés par leurs parents qui souhaitent un bel avenir pour leur progéniture. Ils sont généralement rémunérés en fonction de l’argent qu’ils font gagner à leurs employeurs, propriétaires ou actionnaires de l’entreprise qui les emploie.

L’argent, comme les drogues, rend fou. Les riches sont des malades mentaux monomaniaques. Ce sont des avares de Molière à la puissance dix. Ils ne vivent que pour et à travers l’argent. Leur folie n’est pas une folie douce. C’est une folie destructrice. Une preuve de leur folie c’est que comme tous les fous, ils pensent que ce sont les autres, ceux qui ne pensent et ne vivent pas comme eux qui sont fous. Ils les enferment à chaque fois qu’ils peuvent.

Chronique 37 du vendredi 20 avril

La structure du monde d’aujourd’hui. Deuxième partie

Un résumé des chroniques de PéPé (suite)

S’enrichir

Pour augmenter leur fortune les riches ont à leur disposition trois outils légaux :

1) Le commerce qui consiste, par exemple, à acheter le moins cher possible une marchandise en Chine ou dans des pays du tiers monde où la main-d’œuvre est maintenue en esclavage et rémunérée avec un lance-pierre, les gouvernants facilement corrompus et les ressources naturelles bradées et à la revendre le plus cher possible dans les pays occidentaux. Un autre marché juteux est celui des armes vendues aux états et aux factions rebelles de ces mêmes pays surtout africains. C’est à ça que sert la mondialisation. C’est un moyen apparemment aisé de gagner de l’argent, mais comme c’est à la portée du premier capitaliste sans scrupule venu la concurrence est rude.

2) La fabrication de biens de consommation ou de services comme les bagnoles ou les accès internet. C’est en principe facile car la fabrication des biens répond à des besoins réels ou provoqués. Ça ne l’est pas parce que l’innovation technologique permanente rend rapidement obsolète l’objet fabriqué à l’instant t et une concurrence acharnée impose une course permanente à la nouveauté (quand on est moderne on dit innovation). L’organisation des entreprises de taille importante est complexe. On y trouve en général une partie administration gestion, une partie production, une partie commerce, et une partie finances coiffées d’une direction générale aux ordres des actionnaires. Quand ceux-ci trouvent que les dividendes ne sont pas suffisants ils s’en prennent à elle dont les membres, pour ne pas perdre leur place, feront tout pour leur donner satisfaction : augmentation du rendement et des cadences de production, recherche des postes à supprimer pour optimiser le fonctionnement des services et diminuer la masse salariale. La pression s’exerce du haut vers le bas de la hiérarchie pour faire remonter un maximum de fric dans les poches des actionnaires. Elle provoque un stress dans le personnel qui entraîne une ambiance délétère dans l’entreprise qui favorise le suicide des plus fragiles. Les actionnaires s’en moquent du moment que leurs dividendes augmentent. Ils justifient les conséquences malheureuses de leur âpreté en invoquant Darwin.
Si une multinationale possède des usines un peu partout dans le monde, les actionnaires imposent la fermeture des moins rentables même bénéficiaires et leur délocalisation immédiate. Tant pis si cette politique met des économies fragiles en péril et des milliers de gens sur la paille pourvu que les riches s’enrichissent toujours davantage. Les affaires sont les affaires et pas de pitié pour les canards boiteux. D’autre part pour vendre il faut avoir des acheteurs. Pour les objets utiles, la population vient les acheter spontanément, et une fois pourvue veut les conserver aussi longtemps que possible, ce qui provoque la saturation du marché, la baisse des ventes et la fin de l’enrichissement. Pour palier à ce phénomène les cadres qui font fonctionner l’entreprise (les communistes disaient les valets du capitalisme) ont inventé l’obsolescence programmée qui oblige au renouvellement obligatoire des produits industriels au bout d’un temps plus ou moins long alors qu’ils sont encore dans l’ensemble en bon état. On emploie aussi le moyen psychologique de l’innovation (perfectionnement) qui, par l’adjonction de gadgets plus ou moins utiles aux produits, fait passer pour ringards (en bon français on dit démodé mais c’est démodé) ces mêmes produits âgés de quelques mois ou années, typiquement dans la téléphonie mobile, l’informatique et l’automobile pour les produits grand public. Un exemple flagrant est l’usage abusif et inutile des diodes LED blanches qui depuis un certain temps transforme les bagnoles en arbres de Noël. Un bon matraquage publicitaire fait avancer le schmilblik. Il permet aussi de vendre du superflu dispendieux comme les produits de luxe. Ce qui entretient la société de consommation et fait que des gens victimes de la culture de l’enrichissement perdent leur vie à la gagner.
On a vu qu’une grande entreprise employait beaucoup de personnel aux diverses fonctions. Or c’est surtout lui plus que la matière première qui grève le budget de fabrication d’un produit réel ou virtuel et limite les bénéfices. Quand la délocalisation est impossible, un des rôles de l’innovation technologique est donc de remplacer un maximum de salariés par des machines ou des logiciels. Les salariés remplacés se retrouveront au chômage sans possibilité de réemploi car quoi qu’en dise la propagande capitaliste l’innovation technologique crée moins d’emplois qu’elle n’en détruit puisque c’est son rôle. Ainsi petit à petit le nombre de postes de travail rétrécit comme peau de chagrin. Fatalement la population s’appauvrit puisque pour l’instant, dans notre société, le seul moyen d’être à l’aise financièrement pour l’individu sans fortune est le salariat. Le tout sous l’œil indifférent (et peut-être même enchanté) des fous de sous.

Remarque : par les temps qui courent en France la création et la gestion d’une entreprise indépendante petite ou moyenne, qui fabrique autre chose que du vent, sont très difficiles et il faut admirer les industriels ou les paysans qui s’obstinent à en créer sans en tirer de gros bénéfices.

3)La spéculation, ou pompe à finance que les financiers désignent par une pudeur hypocrite investissement. Elle consiste à acheter un bien pas cher à l’instant t pour le revendre plus cher à l’instant t+d, et à recommencer indéfiniment tant que les circonstances sont favorables, le d pour durée s’exprimant en fraction de seconde ou en unité de temps allant de la seconde à l’année et même plus. Tout ce qui est commercialisable peut faire l’objet de spéculation depuis l’art jusqu’à l’immobilier en passant par les parts sociales de société, les monnaies et les matières premières y compris les produits agricoles. Des malins ont même réussi à spéculer sur des dettes comme les subprimes. Les spéculateurs ne voient ni ne touchent jamais matériellement les marchandises de leur spéculation sauf peut-être pour les objets d’art. La cote des objets de spéculation est déterminée par des bourses nationales ou internationales. Par exemple la bourse mondiale des produits agricoles est située à Chicago. C’est elle qui détermine le prix du blé produit en France appelé cours international du blé. C’est vrai pour les autres produits agricoles d’importance mondiale. Ces opérations de pompage de fric sont effectuées par des malins appelés traders, pour le compte des propriétaires de capitaux qui les récompensent grassement, devant des ordinateurs qui utilisent des logiciels créés par des mathématiciens sans scrupule. Avec le perfectionnement du numérique les opérations d’achat et vente se font de plus en plus automatiquement, sans intervention humaine, ce qui augments les dividendes et évacue les traders du système. Alors ils pleurent !
Si on imagine qu’avec cette pompe à fric un spéculateur gagne 0,5 pour cent de la somme engagée par semaine, en un an il a gagné 26 pour cent de cette somme et en quatre ans il a doublé son capital. A côté les minables 0,7 pour cent d’intérêts du Livret A français sont à rire et à pleurer. Merci nos gouvernants !

Commerce, fabrication de biens, spéculation sont donc les trois outils, les trois mamelles ou sources de revenus légales, employées simultanément ou non, qui permettent aux riches grâce, entre autre, aux multinationales dont ils sont propriétaires ou actionnaires de s’enrichir toujours plus au-delà de toute limite raisonnable alors qu’une grande partie de l’humanité claque du bec.
Ces outils légaux servent aussi à s’enrichir dans l’illégal : drogue, esclavage, contrefaçon, mais c’est un autre problème.

Chronique 38 du vendredi 3 mai

La structure du monde d’aujourd’hui. Troisième partie

Un résumé des chroniques de PéPé (suite et fin)
Les riches et le social

Jusqu’à une époque récente, en France, par des lois sociales qui tentaient d’améliorer le sort des salariés, on a essayé d’adapter le monde du travail à l’être humain en lui garantissant un minimum de confort et de sécurité permis par le progrès. Pour les libéraux des USA et de chez nous la France contre-carrait les lois de l’économie libérale. Elle était un mauvais exemple. Elle se faisait taxer de communiste, injure suprême, par la droite américaine. ‘Heureusement’ les hommes politiques de droite et de gauche sous l’influence de l’Europe, elle-même soumise aux lobbies de la finance mondiale et aux règles de l’OMC, l’ont compris et ont entrepris les réformes nécessaires pour faire des salariés la variable d’ajustement d’une économie enfin modernisée en ramenant leur condition à celle du dix-neuvième siècle. L’idéal à atteindre est qu’un chef dans une entreprise puisse dire à son subordonné : « vous êtes viré », sans autre forme de procès comme aux USA.

L’état français a aussi tenté de rendre service aux citoyens en leur procurant le confort permis par le monde moderne, eau, électricité, chemin de fer, routes, poste, santé, etc. gratuitement ou à des prix accessibles à tous ou

presque. Il a créé l’horreur suprême, symbole du communisme, le services public géré par des fonctionnaires, générateur de déficits compensés par les impôts en partie pris aux riches, crime suprême. Comment ramener dans le giron des capitalistes les milliards de dollars de profits potentiels générés par les autoroutes, le courrier, les chemins de fer, les retraites, la santé, les mutuelles vraies, etc. ? Simplement en les privatisant et en transformant l’usager en client avec le concours et la complicité des hommes politiques qui nous gouvernent ! Le travail est déjà bien avancé et les capitalistes sont patients. Le citoyen, s’il est assez riche, paiera une dîme au capitaliste propriétaire ou actionnaire d’une entreprise pour bénéficier d’un service qui autrefois était procuré gratuitement ou à faible coût par la nation, c’est à dire par les contributions de l’ensemble des citoyens grâce à la fraternité des gens qui habitent un même pays.

La fraternité de la devise républicaine, quel vilain mot, quelle connerie ! L’individualisme, voilà l’alpha et l’oméga du libéralisme : chacun pour soi et Dieu pour tous. Tant pis si Dieu est mort et si les faibles crèvent.

Autrement dit dans ce système c’est aux gens de s’adapter à la société et non l’inverse, sinon qu’ils disparaissent puisqu’ils ont besoin d’argent pour croûter et vivre. La productivité réelle actuelle de l’agriculture en occident

permettrait de nourrir sans problème, de façon abondante et digne ses habitants. Les surproductions bradées à travers le monde le prouvent. Et pourtant des familles en France ne survivent que grâce à la charité officielle et officieuse qui les stigmatise. La productivité industrielle potentielle permettrait aussi de loger et d’habiller tout le monde de façon décente sans l’opprimer.

Si c’est réalisable, pourquoi n’est-ce pas réalisé ? Parce que les possibilités d’améliorer le sort de l’ensemble de l’humanité que permettrait le progrès matériel aujourd’hui, comme l’espéraient les lumières, sont confisquées par la couche supérieure de nos sociétés.

Avec quelle finalité ? Satisfaire de vils sentiments d’individus souvent sans scrupule, faire grossir leur fortune sans but réel au-delà de toute limite raisonnable, et faire des conneries, genre construire une fusée monstrueuse pour projeter une bagnole dans les espaces intersidéraux. Bien sûr il y a un public pour les admirer comme il y a un public pour admirer les pyramides ou la Cité Interdite à Pékin et comme il y avait un public de miséreux sous

l’ancien régime pour applaudir le passage du roi et de sa cour de parasites

qui vivaient aux dépens de leurs admirateurs. Des publications vivent de cette admiration de gens pauvres ou non pour un monde d’en haut qui les gruge.

L’Etat Providence

Les capitalistes ont inventé une formule de dérision pour désigner les états qui cherchaient à venir en aide à l’humanité souffrante dont ils avaient la charge : l’ETAT PROVIDENCE. La providence était une notion chrétienne qui soulageait du malheur. Elle était invoquée dans certains romans de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième par le ou les héros lorsqu’ils se trouvaient en mauvaise posture. C’était une façon de se remettre dans les mains de Dieu sans le nommer. Parler d’un état providence c’est par dérision le comparer à Dieu. Lequel dans sa bonté prenait en charge les moins bien pourvus en les soulageant gratuitement, dans la mesure du possible, de leurs misères physiques et morales et en leur accordant au moindre coût les bienfaits du progrès matériel. Pour les riches, lorsqu’un état joue à la providence c’est à leur détriment. Il faut donc le discréditer. Quel meilleur moyen de le disqualifier que la dérision ?

La réalité

Les riches sont les plus forts car ce sont eux qui, par hommes politiques interposés qui ne sont rien d’autres que des marionnettes dont ils tirent les ficelles, détiennent le vrai pouvoir et dirigent entre autre le ‘maintien de

l’ordre’, qui applique leur ordre. Or la raison du plus fort est toujours la meilleure comme l’a écrit notre ami La Fontaine, donc on ne peut rien y faire et les bienfaits potentiels du progrès pour l’humanité seront toujours confisqués par les plus riches pour s’enrichir toujours davantage. On n’a jamais vu des riches se dépouiller volontairement et massivement de leurs biens par amour de la morale, de la justice, de la fraternité et de l’équité en faveur des déshérités.

Il y a eu autrefois la nuit du 4 août et la révolution française. Un tel chambardement pourrait-il se reproduire ? La réponse est absolument péremptoire et sans hésitation, c’est NON. Pour au moins trois raisons :

1) Les responsables de l’état de la société de l’ancien régime étaient facilement saisissables. Il suffisait de faire quelques kilomètres à pied pour s’en saisir, les enfermer et changer la règle du jeu social. Aujourd’hui les vrais responsables de l’état de la société sont invisibles et inexpugnables. Ils peuvent se rendre à tout moment invulnérables en cas de danger. Les ‘forces’ dites ‘de l’ordre’ sont en leur pouvoir.

2) Les gens qui pourraient faire la révolution, les malheureux mal traités, sont isolés. Ils sont endormis par la propagande et abrutis par les médias. Je les vois mal quitter une série télévisée passionnante pour se faire tuer sur

une barricade contestataire et sans espoir.

3) Les malheureux pensent que leur état est dans l’ordre des choses et que par conséquent il n’y a rien à faire que de subir ( Homo deus, Yval Noah Harari ).

ALORS ?

Alors seule une catastrophe mondiale énorme pourra changer le monde temporairement. Elle est souhaitée par ceux qui aiment le chaos.

Ou bien un savant fou inventera une drogue qui, pulvérisée sur l’ensemble de la population mondiale à son insu, transformera tous les gens en doux moutons gentils, serviables et généreux. Pourquoi pas ?

Ou bien dans son immense miséricorde un dieu juste et bon provoquera un miracle.

ALORS ?

PRIONS !

Ultime remarque

Les riches rétorqueront à ce que j’énonce qu’ils sont les premiers de cordée, qu’ils font avancer le monde, qu’ils forgent le progrès pour le bonheur de l’humanité, qu’ils nourrissent les populations en leur fournissant du travail et que les gens qui adoptent mon point de vue ne sont que de misérables vers de terre communistes et obscurantistes. Ils diront que ceux qui les critiquent sont des jaloux qui n’ont qu’à faire comme eux, s’enrichir. C’est un autre point de vue. Comme il est impossible de déterminer celui qui est le bon dans l’absolu, la question de savoir où est la vérité est indécidable.

Nos intellectuels bavards, délicats et raffinés, ont donc de beaux jours devant eux pendant que la ‘France d’en bas’ claque du bec !

Chronique 39 du vendredi 17 mai

 Le progrès et les riches

Un peu de préhistoire

D’après ce que nous racontent les archéologues, les préhistoriens, les historiens, les sociologue, enfin d’après tous les gens qui s’occupent de l’histoire de l’humanité, on peut imaginer nos ancêtres, les premiers homo sapiens qui débarquent par l’opération du Saint Esprit sur la terre en Afrique il y a plus de cent mille ans tout nus, inachevés et démunis de tout, au milieu de tous les dangers.

Et pourtant ils survivent en utilisant sans doute les inventions, et peut-être la protection, de leurs cousins plus anciens qu’eux : le feu et quelques outils en bois et en pierre. Ils émigrent à travers le monde pour peupler les endroits les plus invraisemblables et coloniser la terre entière sauf l’antarctique : les îles lointaines, les

montagnes, les zones arctiques, les déserts, les forêts vierges. Ils s’adaptent à tous ces milieux en se débarrassant au passage de certains de leurs cousins. Au début, ils vivent en tribus nomades et se nourrissent de ce qu’ils peuvent. Puis au cours du temps, lentement certaines tribus, les plus favorisées par leur environnement, inventent des choses, la poterie, la préparation de fibres animales et végétales et leur utilisation, la pierre taillée et la pierre polie, l’arc et la flèche, l’agriculture et la sédentarisation, la domestication des animaux, la taille de la pierre de construction et l’irrigation, la métallurgie et enfin la civilisation avec la partition des populations en deux classes, les dominants et les autres dont j’ai déjà suffisamment parlé, pendant que d’autres tribus, ailleurs, restent à l’état sauvage jusqu’à hier quand notre civilisation les trouve et les fasse disparaître.

Dans quel ordre sont arrivées ces trouvailles et comment ont-elles été reçues ? Nul ne le sait, c’était la préhistoire. Mais en revanche ont sait qu’elles sont apparues au cours de très longues périodes,

des millénaires. En contemplant ces changements, qui ont duré cent mille ans peut-être plus, peut-être moins, du haut de notre balcon du vingt et unième siècle nous disons que certaines communautés ont évolué pendant que d’autres ont stagné et nous considérons cette évolution comme un progrès. Pourquoi ?

Le progrès, définition

Le nom progrès se définit facilement à partir du verbe progresser qui indique des évolutions favorables à l’humanité ou non : une maladie, un incendie, une connaissance, la médecine, une crue, un ennemi, etc. peuvent progresser c’est à dire se développer. On parle alors du progrès d’une maladie, d’un incendie, d’une connaissance, de la médecine, d’une crue, d’un ennemi, etc.

Quand on s’est fixé un but et qu’on s’en approche, on dit qu’il y a progrès. Par exemple à l’école primaire les buts à atteindre par les écoliers sont simples : savoir compter et savoir écrire le Français.

On peut mesurer les progrès d’un enfant en fonction de son approche de ces buts.

Si l’on compare l’état de l’humanité à son point de départ en Afrique et l’état des peuples de la préhistoire munis de presque toutes les inventions que j’ai énumérées précédemment vivant autour de la Méditerranée orientale, on dit qu’il y a eu progrès, et on dit aussi que chaque invention est un progrès. On dit : l’irrigation est un progrès, la domestication est un progrès, l’arc est un progrès, etc. , on pourrait employer aussi l’expression ‘évolution positive’. Positive par rapport à quoi ? Par rapport à l’idée que nous nous faisons du bonheur de l’humanité consciemment ou non. La notion de progrès est donc purement subjective.

Par exemple l’irrigation est un moyen d’assurer la subsistance toute l’année des gens qui l’utilisent à condition que la répartition de ses bénéfices soit équitable. Mais si l’entretien du système d’irrigation est effectué par des esclaves qui vivent dans des conditions pires que celles des premiers ancêtres nomades, pour eux il n’y a pas de progrès. Le progrès a généré un effet pervers. On peut en dire autant de l’arc qui permet de chasser, donc de se nourrir plus facilement, mais qui permet aussi de mieux tuer son voisin.

En cherchant bien, on peut faire correspondre à chaque progrès, déjà à l’époque, un effet pervers. En général lorsqu’on nous parle de la préhistoire on oublie de les mentionner. On ne veut voir que

les effets positifs de l’évolution, d’où l’idée que les inventions technologiques amènent petit à petit l’humanité à retrouver le paradis perdu. C’est ça le progrès matériel : soulager l’humanité de ses tâches pénibles pour lui donner l’illusion qu’elle se rapproche d’un état paradisiaque sans toutefois jamais l’atteindre. Comme les mirages, plus on croit s’en approcher, plus il d’éloigne.

Ces hommes de la préhistoire qui ont profité des inventions qui leur ont facilité la vie ont-ils eu la notion de progrès ? C’est peu probable car il semble que ce soit un concept moderne.

Un peu d’histoire

L’écriture a été inventée. Elle nous permet de connaître l’histoire des peuples qui la possédaient. On s’aperçoit que pendant des millénaires dans les civilisations qui se sont succédées il n’y a pas eu de nouvelles inventions capitales mais seulement des perfectionnements des anciennes qui ont permis à la couche supérieure des populations de vivre dans un confort de plus en plus grand au milieu de richesses de plus en plus exubérantes. Ils ont aussi permis de construire ces incongruités monstrueuses que

sont les monuments de toutes espèces que le temps nous a laissées et que nous admirons aujourd’hui au détriment de la condition que l’on oublie du menu peuple et des esclaves.

La longue période du moyen âge est arrivée en occident avec une stagnation tant sur le plan social que matériel pendant laquelle les principales inventions ont été relatives à la guerre : l’épée en acier, la cuirasse, le château fort, l’arbalète, l’arquebuse, le canon.

Avec la renaissance ont commencé les premiers balbutiements de la science nécessaire aux inventions technologiques qui vont engendrer la révolution industrielle au dix-neuvième siècle pour accoucher de la société de consommation dans la deuxième moitié du vingtième siècle, suivie de l’ère numérique et de l’intelligence artificielle au vingt-et-unième siècle. Du haut de notre balcon d’observateur on voit que l’évolution technologique depuis Descartes et Pascal, en symbiose avec la science, a subi une accélération p

rogressive puis brutale ces derniers temps qu’on pourrait qualifier d’exponentielle ou d’explosive.

Retour à l’idée de progrès

Cette évolution est-elle positive, est-elle un progrès, c’est à dire rapproche-t-elle l’humanité du paradis perdu ? Oui si l’on considère que vivre en ville dans un appartement chauffé l’hiver, refroidi l’été, éclairé la nuit, avec de l’eau froide et de l’eau chaude à volonté, un lave-linge et un lave-vaisselle dans sa cuisine, une télé pour voir le monde, une radio et un téléphone pour l’écouter, avoir une bagnole dans le parking pour se promener, être protégé par des vêtements appropriés aux saisons, approvisionné en une nourriture saine et goûteuse sans restriction, soigné au moindre pet de travers, bardé d’antalgique et d’analgésique quand on nous arrache une dent, situé à quelques heures d’avion de n’importe quelle partie du monde, est mieux que courir dans la nature vêtu de peau de bête en toute saison à la quête d’une nourriture improbable, dit le nanti. C’est vrai que le progrès matériel dans ce cas c’est le confort et le confort c’est ce que l’humanité a perdu en quittant le paradis. Du moins c’est ce qu’on raconte dans la bible.

Le confort matériel est bien agréable, il aide à vivre. Seuls quelques irréductibles Gaulois disent le contraire. Mais nous débarrasse-t-il de notre insatisfaction permanente et de notre inquiétude latente de la vie pour retrouver la quiétude du paradis ?

Du haut de notre balcon le pessimiste observe et pose des questions. Les gens qui vivent à côté de nantis et qui n’ont rien se sentent-ils mieux que les hommes préhistoriques ? Vivent-ils vraiment un progrès ? Tuer les gens par dizaines ou même par centaines de milliers d’un coup avec une bombe thermonucléaire bien envoyée, est-ce un progrès ? Empoisonner les récoltes pour les faire pousser, empoisonner l’air et l’eau pour réaliser des objets modernes et se déplacer, permettre aux gens de vieillir en les maintenant dans des états lamentables, maintenir des gens en esclavage (sans le dire) pour fabriquer les crottes du progrès, perdre sa liberté pour acquérir ces mêmes crottes, déforester la planète et cultiver des plantes pour fabriquer du carburant pour les

bagnoles ou de la nourriture pour animaux pendant que des gens sont sous alimentés, perdre sa vie à la gagner, sont-ce des progrès ? En un mot, les effets pervers du progrès sont-ils des progrès ?

Progrès et utopie

Le mot progrès a été utilisé le première fois par les Lumières au dix-huitième siècle. Ils espéraient que l’humanité aurait la capacité rationnelle à agir de façon éclairée dans le présent pour engendrer un futur meilleur (qui restait à définir) pour l’ensemble des gens. Ils espéraient que la libération de l’obscurantisme, l’augmentation des connaissances et les conquêtes de la science et de la technique amélioreraient le sort du monde dans son ensemble. Qu’il évoluerait automatiquement en s’améliorant pour arriver à un état quasiment idyllique tant sur le plan social que matériel, et que la devise républicaine « liberté égalité fraternité » se réaliserai spontanément pour tous. Que reste-t-il de cet espoir ?

Comme beaucoup de philosophes ils ont oublié qu’entre l’utopie et la réalité il y a un monde car en toute époque et en tout lieu l’humanité dite civilisée reste globalement égale à elle-même, c’est à dire qu’elle est fondamentalement hétérogène, qu’elle est composée de gens potentiellement fous ou sages, malins ou naïfs, violents ou pacifiques, égoïstes ou généreux, brutaux ou délicats, cupides ou désintéressés, cruels ou charitables et que ces potentialités s’expriment quand les circonstances le permettent et qu’alors ce sont les premiers de cette énumération qui dominent les seconds. Ils mènent le monde, bien qu’ils ne soient pas forcément en majorité, parce qu’ils constituent ensemble une force agissante qui sait prendre le pouvoir et entraîner les foules, bon gré mal gré, dans la direction qu’ils choisissent. C’est une

donnée incontournable. La civilisation démocratique a ceci de bon qu’elle masque la vraie nature des gens. Cependant elle transparaît dans la hiérarchie sociale.

Les riches et le progrès

Les riches, les vrais, sont les premiers à bénéficier de tout ce que donne et permet le progrès et ils peuvent à juste titre se croire matériellement au paradis. Ils se moquent totalement de la philo et des philosophes et tout est fait dans nos sociétés qui les glorifient pour qu’ils se sentent bien dans leurs baskets. Sans tomber dans le poncif du riche malheureux de sa richesse on peut avoir une maigre consolation qui est de croire qu’il est éternellement insatisfait comme le boulimique qui n’a jamais assez à manger, mais c’est vraiment une maigre consolation de ne pas être riche. Le bienheureux qui approcherait le mieux de la condition paradisiaque telle qu’on l’imagine serai le sage qui pourrait et saurait se contenter des bienfaits du progrès comme ils viennent, sans plus.

Un effet pervers de l’éternelle insatisfaction du riche qui fait le monde c’est que tous les moyens sont bons pour augmenter sa fortune en faisant fonctionner la pompe à fric. J’en ai énuméré un certain nombre dans des chroniques précédentes, mais je n’ai pas cité l’exploitation de la notion de progrès au nom du progrès. La méthode est simple : vous obliger à remplacer périodiquement ce que vous possédez déjà en achetant la même chose au nom du perfectionnement, vous rendre malheureux sous l’influence d’une publicité qui vous explique que ce que vous détenez est obsolète, parce que la nouveauté est bourrée d’innovations (pour remplacer les mots inventions et améliorations), et que si vous vous obstinez dans votre immobilisme vous êtes ringard, pour ne pas dire archaïque, et que vous n’avez rien compris à la modernité, et que vous ne méritez pas de vivre à une époque si merveilleuse. Ils favorisent et exploitent cette fuite en avant irréfléchie qui aboutit à un énorme gaspillage de matière et d’énergie au nom du progrès.

Quelques exemples :
-les versions successives du système d’exploitations Windows qui obligent à changer l’ordinateur, l’imprimante et le scanner,
-les systèmes de communications téléphoniques 2G, 3G, 4G, 5G. Pour quand la 10G ?
-les appareils photos numériques à cinq mille, dix mille, vingt mille pixels, alors que pour la majorité des gens deux mille pixels suffiraient largement pour tirer sur papier des photos 10×15 cm,

quand ils en tirent,
-les bagnoles qui parlent, qui se garent toutes seules, qui un jour auront des accidents toutes seules.

Et ainsi de suite ! Ces innovations galopantes rapprochent-elles la condition des gens d’un état paradisiaque ? Elles sont sensées leur faciliter la vie en leur évitant des efforts pour qu’ensuite ils aillent s’agiter dans des salles de sport pour épuiser leur surcroît de vitalité. Surtout elles flattent leur ego en les faisant s’approcher de l’idéal de la pub.

Et attention les yeux. Tout ceci n’est qu’un début parce qu’avec L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, vous allez voir ce que vous allez voir !

Tant pis si toutes ces prouesses sèment le désordre sur la planète et la détériorent pourvu que les riches, les super riches et les hyper riches satisfassent leur éternelle insatisfaction, alors qu’avec l’énergie déployée pour réaliser tous ces pseudo progrès on pourrait éviter beaucoup de souffrance à travers le monde.

Mais, c’est bien connu, on ne souffre de la souffrance des autres que si on le veut bien ! Cela s’appelle l’empathie et les riches la prennent pour une faiblesse. Ils la détestent car elle se met en travers de leur cupidité.

Allez voir
En guerre. Le film

Je viens de voir le film ‘En Guerre’ de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon. Il m’inspire la réflexion suivante.

C’est un chef-d’œuvre. Il résume en une heure et demie ce que je décris et dénonce dans mes chroniques. C’est un chef-d’œuvre parce que le scénario, la mise en scène, le choix et le jeu des acteurs sont parfaits et en accord avec la structure du monde d’aujourd’hui.

Et qu’y voit-on en gros plan ?

– Une usine qui va fermer et mettre ses salariés d’en bas au chômage alors qu’elle est bénéficiaire.
– Des salariés d’en bas écœurés et désespérés parce qu’ils (tous ou une majorité ou quelques-uns) ont été grugés par la direction qui lesa cocufiés dans une promesse non tenue.
– La justice qui donne raison aux tricheurs.
– La CGT et un autre syndicat qui entreprennent une action pour faire annuler la fermeture avec le seul moyen de lutte à leur disposition : la grève et le blocage de l’usine et des stocks.
– Les représentants de l’Etat qui se désintéressent de la question.
– La grève qui dure.
– Le Représentant Syndical de la CGT qui est un jusqu’au-boutiste et impose une grève longue.
– La grève qui dure.
– Des victoires illusoires des grévistes célébrées comme des vraies.
– Des actions pacifiques des grévistes contrées par les ‘forces de l’ordre’.
– La grève qui dure.
– Des propositions pour améliorer les conditions de licenciement par des indemnités plus conséquentes refusées par la CGT et acceptées en douce par lassitude et réalisme par un autre syndicat.
– Le Représentant Syndical de la CGT qui s’obstine pour une cause sans avenir : voir le Grand Patron de la holding.
– Le Grand Patron qui condescend à rencontrer les grévistes pour leur dire que l’usine sera fermée au nom de la LOI DU MARCHE.
– Des grévistes excédés qui malmènent le Grand Patron à sa sortie de la réunion. Ils retournent sa voiture avec lui dedans. Les médiats font passer les grévistes pour des voyous.
– Le Grand Patron qui en profite pour faire intervenir les ‘forces de l’ordre’, dégager l’usine, la remettre au travail et punir les méchants.
– Le Représentant Syndical de la CGT, vaincu, conscient de sa responsabilité dans une aventure sans lendemain dans laquelle il a entraîné ses troupes …
– Le Grand Patron qui, du coup, montre à quel point il est gentil puisque pour faire un geste il gracie les punis.
– Qui a le beau rôle aux yeux du monde.

Bien sûr c’est une fiction, mais elle décrit très exactement la réalité de dizaines d’évènements qui se passent sous nos yeux ou dont on peut apprendre l’existence par les médiats quand ils veulent bien y braquer leur projecteur, qui inquiètent les jeunes et semblent laisser indifférente la masse des citoyens qui ne réagissent pas, sans doute parce qu’ils pensent que le chômage n’arrive qu’aux autres : les feignants, ou bien que les carottes sont cuites, qu’il n’y a rien à faire.

Qu’y voit-on plus subtilement ?

– Que des insectes, les travailleurs, s’agitent et se débattent comme ils peuvent pour retarder ou arrêter l’avancée d’un rouleau compresseur qui va les écraser sans pitié.
– Que les insectes et les conducteurs du rouleau compresseur ont des points de vue inconciliables. L’argument des premiers, les producteurs de base, est simple. Ils veulent gagner convenablement leur croûte et celle de leur famille par le seul moyen qu’ils possèdent : le travail.
L’argument des conducteurs de rouleau compresseur est tout aussi simple. Il faut appliquer la ‘loi du marché’, c’est à dire la volonté des riches qui détiennent le pouvoir et qui veulent toujours plus. En réalité les conducteurs constituent la courroie de transmission d’une pompe à fric. Ils ont les mêmes préoccupations que les insectes. Ils sont rémunérés grassement par les actionnaires pour conduire le rouleau compresseur sans état d’âme même s’il doit écraser les insectes.
– Que dans le film un ou deux conducteurs se trahissent incidemment sans insister. Ils n’ont aucun pouvoir de décision. Ils sont eux mêmes les pions qui obéissent aux gens qui possèdent vraiment le pouvoir : les actionnaires inatteignables car anonymes.
– Que ces gens, même s’ils sont en concurrence, ont un intérêt commun : le maintien du système libéral. Ils sont solidaires.
– Que les insectes, s’ils font grève trop longtemps, n’auront plus rien à croûter. Ils seront faciles à écraser par les rouleaux compresseurs qui ont d’immense réserves. Il suffit d’attendre pour gagner. Laisser pourrir la situation comme ils disent.
– Que le système dresse les médiats à déconsidérer les insectes.
– Que les gens à la tête de l’Etat français ne veulent pas prendre position en faveur des insectes pour ne pas se faire traiter de communistes par les capitalistes états-uniens afin de ne pas les dissuader d’investir en France pour gruger les travailleurs français.

OUF !

On en voit des choses dans ce film !

Le spectateur informé sait que le combat du délégué CGT jusqu’au-boutiste (Vincent Lindon) est perdu d’avance car dans une époque récente on n’a jamais vu qu’une grève pouvait empêcher une fermeture d’usine.

Et on apprend que la VRAIE RAISON de la fermeture de l’usine est qu’elle ne rapporte que 3,5 pour cent de dividende alors que ses actionnaires attendent 7 pour cent. Tout est dit !

Et pour quoi faire de cet argent volé ?

Le soir même de ma vision du film il y avait un documentaire à la télé sur le supersonique Concorde, un très bel avion, qui a coûté une fortune aux contribuables français. Il n’a jamais été rentabilisé. Il a apporté du prestige ‘à la France’. Celui de traverser l’Atlantique en trois heures au lieu de huit. Qui en a profité ?

Dans ce docu, on y interroge des acteurs qui ont participé à la vie de l’avion. En particulier, un homme plein de prestance, sans doute le PDG ou l’actionnaire d’une société, qui disait être tombé amoureux de l’oiseau. Alors qu’un aller retour Paris New York coûtait en 2000 la modique somme de 8000 euros il dit qu’il lui était arrivé de le prendre trois fois dans la même journée et que le personnel était plein d’égard pour lui car il trouvait sous son siège du champagne dans un seau. Pour un coût de douze fois le SMIC mensuel d’un salarié français dépensé en 24 heures, ça c’est moi qui le dis !

On comprend sur cet exemple les raisons qui poussent les riches à mettre des salariés au chômage. J’en ai énuméré d’autres dans mes chroniques précédentes. Ce besoin de luxe des profiteurs est camouflé sous le vocable de ‘loi du marché’.

Et que vive la LOI DU MARCHE !