ENFANTER

Chronique 79 du vendredi 29 novembre 2019

Enfanter

Ne pas oublier que donner la vie à un bébé, pour de multiples raisons, ce n’est pas lui faire un cadeau, ne serait-ce que parce que la vie c’est la mort ! Aussi les parents ont-ils le devoir (devoir, oh ! quel vilain mot !) de tout faire pour protéger leur progéniture et l’élever dans de bonnes conditions. En ce moment, il est de bon ton de critiquer et de démolir les structures et les habitudes du passé dont notre société a hérité, au nom de la modernité et du droit à la liberté de l’individu. Est-ce un bien pour le futur adulte ?

Fécondation

Un enfant peut être conçu par amour, par caprice, par égoïsme, dans la recherche du plaisir, dans la violence, par désir d’enfant, dans l’insouciance ou l’inconscience, pour faire comme tout le monde, par respect des commandements d’une religion, par

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bêtise, par respect d’une tradition ou d’une loi sociale, par ignorance, dans l’ivresse alcoolique, dans un trip dû à des substances hallucinogènes, par accident, chez des gens équilibrés ou brindezingues, malades ou bien portants, par l’immaculée conception. De toute façon, arrive un enfant du hasard, mais suivant ce que le hasard lui aura imposé il s’aimera ou il ne s’aimera pas et saura le rendre à la société.

Féconder un ovule, c’est une lourde responsabilité, ce dont beaucoup d’hommes et quelques femmes n’ont pas conscience. A mes yeux concevoir un enfant sans en assumer l’élevage, c’est à dire sans participer à son éducation et à son bien-être physique et moral est un crime qui devrait être puni par la loi. Mais la loi est faite par les hommes forcément dominants caractérisés par les ‘qualités’ décrites dans la chronique 78. Ils ne sont pas parmi les meilleurs. Par nature ils défendent leur supériorité de mâle et se déchargent de leurs responsabilités sur les femmes. Ils ne vont tout de même pas fabriquer des verges pour se faire fouetter ! Ils défendent leurs arrières en pensant aux femmes qu’ils ont mise ou mettront enceinte au cours de parties de jambe en l’air entre amis.

Jusqu’à très récemment le séducteur était glorifié tant par les hommes, sauf les cocus évidemment, que par les femmes. Quand l’une d’elles tombait enceinte

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du fait des ouvres, comme on disait alors, d’un de ces messieurs on l’accablait. Dans le meilleur des cas on a traitait de pute. Dans la noblesse on l’enfermait dans un couvent. Dans la bourgeoisie on l’excluait de la famille et si c’était une domestique séduite ou violée par le patron ou l’un de ses fils on la mettait à la porte. Les unes comme les autres n’avaient d’autre solution que mourir dans un avortement raté ou d’élever péniblement un gosse qui deviendrait asocial. Je ne sais pas ce qui se passait chez les manants car la littérature ne s’y est guère intéressé. De toute façon le séducteur était rarement inquiété et lui ne s’inquiétait jamais de sa progéniture accidentelle. L’enfant qu’il avait contribué à fabriquer n’était pas son problème mais juste son titre de gloire. En fait, les enfants, même dans les familles n’intéressaient que rarement les hommes. C’était le rôle des femmes de s’en occuper, de veiller à leur éducation et à leur avenir. Chez les très riches ces rôle étaient même confiés à des domestiques. Aucune notion de responsabilité et de devoir ne venait troubler leur quiétude. Sauf exception, la vie des enfants n’intéressait personne.

Jusqu’à la seconde guerre mondiale les événements que j’ai décrits n’étaient pas rares, mais pas fréquents non plus car une institution universelle, la famille, qui a du plomb dans l’air aujourd’hui, assurait en principe un milieu d’élevage stable pour l’enfant. En France et dans la plupart des pays européens, par tradition chrétienne elle se composait d’un homme, d’une femme et de leurs enfants, ce qui est, à mon avis, le milieu idéal pour élever sa progéniture dans de bonnes conditions.

Les bonnes conditions

Le jardinier sait que pour obtenir de beaux et bons légumes son jardin doit remplir quelques conditions : une terre meuble, stable, riche en nutriments, humide sans excès, le tout baignant au soleil dans une atmosphère à la une température clémente. Il sait qu’il devra se battre contre les parasites et les maladies des végétaux. Ce qui ne veut pas dire que

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même dans des conditions idéales il bénéficiera forcément d’une récolte qui répond à ses attentes. Il suffit d’un orage de grêle, d’une longue période de pluie ou de sécheresse, d’un nuage de criquets pour voir tous ses espoirs s’envoler. Si la terre de son jardin est sèche et caillouteuse il obtiendra bien toujours des légumes mais ils seront chétifs, malingres et victimes de toutes sortes d’infections microbiennes et attaques de parasites.

La famille traditionnelle, c’est le terrain a priori favorable où l’on va faire pousser le gosse. Pour bien pousser,  dans l’idéal, il a besoin d’un certain nombre d’éléments dispensés par ses parents : amour, protection, sécurité, stabilité, considération, respect, exemple, autonomie. C’est beaucoup. Ça nécessite que les parents aient réfléchi avant de mettre leur marmaille sur la terre et qu’ils mettent de côté leurs envies. C’est évidemment beaucoup leur demander car cela demande de l’abnégation.

Dans la réalité, depuis toujours on trouve des familles traditionnelles où les enfants sont heureux et poussent bien, mais on en trouve d’autres qui sont des catastrophes pour leur progéniture parce que les parents sont inconscients, possèdent des caractères épouvantables ou sont plus ou moins brindezingues.

Aujourd’hui

Avec le libéralisme économique s’est répandu la libération des mœurs et la glorification de la personne homme ou femme libérée de toute entrave sociale, de toute chaîne morale (moral, oh ! Le vilain

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mot !). Le féminisme en est un propagandiste actif. Les gouvernements suivent pour vivre avec leur temps : il ne faut pas rebuter les électeurs. Aussi après avoir facilité le divorce, prôné le mariage pour tous, voilà qu’on autorise des enfants pour tous avec la PMA en attendant l’autorisation de la GPA qui ne saurait tarder.

Dorénavant, de plus en plus, des enfants vont vivre dans des familles décomposées recomposée, ou bien sans père, ou bien avec deux mères, ou bien, souvent, dans des familles monoparentales, et, bientôt, avec deux pères. Ils seront ballottés d’un lieu à un autre dans l’instabilité au gré de la fantaisie et des caprices d’adultes inconséquents, mâles ou femelles, qui n’assumeront pas forcément la charge jusqu’au bout dans laquelle ils se sont engagés.

Ces parents inconséquents sont confortés dans leur choix de vie par des publications, magazines ou livres, dans lesquelles des gens opportunistes qui s’intitulent psychologues, psychiatres ou psy-n’importe-quoi et vivent grassement de leurs conseils contribuent à déculpabiliser les adultes partisans du n’importe quoi dans lequel ils font vivre les enfants qu’ils ont mis au monde. Leur argument principal étant que même dans les familles traditionnelles stables il y a des enfants malheureux. Un autre argument consiste à mettre en avant une résilience hypothétique de l’enfant due à sa jeunesse et à son énergie : « il est jeune, il s’en remettra ».

Sauf que mon expérience d’enseignant m’a montré que lorsque les résultats scolaires d’un élève baissaient de façon sensible, c’était presque toujours à cause de problèmes dans la famille. Certains, effectivement, s’en remettaient, d’autres non. On rétorquera qu’il est de notoriété publique que des gens qui ont eu une enfance pourrie ont ‘fait leur chemin dans la vie’, on en voit à la télé, et que par conséquent il ne faut pas s’inquiéter de la façon dont sont élevés les petits humains. Sauf qu’à travers des œuvres d’écrivains on peut juger de l’importance de la qualité de l’enfance sur la qualité de la vie de l’adulte. D’ailleurs Freud a passé son temps à le proclamer. S’il n’a dit qu’une chose juste, c’est celle-là.

Je plains les adultes qui font des enfants par caprice comme on achète un vêtement. Quand le vêtement ne plaît pas, on peut le laisser dans l’armoire, le donner à Emmaüs, à sa femme de ménage ou à sa cousine. Que fait-on d’un gosse qui ne répond pas aux espérances ?

Pour pour se prémunir de ce problème, à la porte des entreprises de GPA partout dans le monde et sur l’entête de leur papier à lettre est écrit dans toutes les langues : « le produit n’est ni repris ni échangé ».

Pour l’instant, la règle dans la société des cours de récréation c’est que les enfants sont nés d’un père et

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d’une mère. Ceux qui sont nés autrement sont marginaux. Quel est le sort des marginaux dans une cour de récréation ? Quel effet ça fait pour un gamin de se sentir marginal ? Est-ce qu’il se sent heureux de l’être ?

Par paresse, par fantaisie, par dilettantisme, on peut jardiner sans s’occuper des règles du jardinage. Les récoltes seront aléatoires et les produits obtenus plus ou moins mangeables. La sanction de l’amateurisme sera immédiatement visible et palpable sans contestation possible.

Les conséquences du n’importe quoi dans l’élevage des enfants, sauf dans les cas extrêmes, ne sont pas aussi tangibles car les cerveaux des petits ou des grands humains sont des boîtes noires dans lesquelles seul le QI peut être mesuré. Qu’en est-il du ‘bonheur de vivre’ ? Mystère, il n’est pas mesurable. Or les enfants devraient être élevés dans le but de le leur donner. Les parents qui ont des ‘enfants à problèmes’ ne veulent pas s’en sentir responsables. Ils confient la résolution des problèmes aux psychologues qui en font leurs choux gras. Peut-on corriger par la parole les conséquences de comportements inconsidérés durant des années ?

Quel avenir ?

Cette ‘déréglementation’ ne peut que croître et embellir car elle est à la mode et caresse les gens dans le sens du poil, c’est à dire qu’elle va dans le sens de la libération des contraintes dans la vie privée contrairement à ce qui se passe dans la vie laborieuse. Jusqu’où ?

Quant à l’éducation nationale elle ne peut pas faire en sorte que les élèves qui ne sont pas bien dans leur peau y réfléchissent et accusent leurs parents de les élever mal. Les enseignants ont déjà bien assez de problèmes avec les géniteurs de leurs élèves.

Il semble donc que plus ça ira et plus il y aura de gens instables qui élèveront mal leurs enfants et d’autres,

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qui comme aujourd’hui seront en quête de leurs racines. Ça promet !

Heureusement avec le dérèglement climatique et les catastrophes humanitaires qui en résulteront, bientôt ces problèmes de nantis s’évanouiront dans les limbes de l’histoire.

Prochaine chronique le vendredi 13 décembre 2019