LA VOLONTÉ, UN DON (PREMIÈRE PARTIE)

Chronique 74 du vendredi 20 septembre 2019

La volonté, un don (première partie)

Jacques Attali

Je viens de lire la chronique sur la volonté de Jaques Attali du 19 mars 2019 dans l’express. Qui est Jacques Attali ? D’après ce que j’en sais, c’est un type hyperdoué, super diplômé, qui n’a besoin que de quatre heures de sommeil par nuit, qui pense vite et qui a dix idées par minute, mais, comme le disait Mitterrand, il faut saisir la bonne. Il sait tout sur tout. Ses livres sont là pour le montrer. Il sait manier les mots comme personne. Il s’est hissé assez rapidement dans les hautes sphères du pouvoir pour devenir le conseiller des présidents de la république successifs depuis Mitterrand sans que le changement de couleur politique le gêne. Normal, puisqu’il possède un esprit universel il peut s’adapter à toutes les situations. Est-ce un caméléon ou un personnage inconsistant ?

C’est un malin. On lui a proposé de se faire élire à différents niveaux de la hiérarchie républicaine. Il a toujours refusé. Il sait bien que les conseilleurs ne sont pas les payeurs et qu’ainsi il a le privilège de raconter et de conseiller n’importe quoi sans en subir les conséquences. Les paroles qu’il sait si bien manier s’envolent. Il préfère être au balcon à regarder les manifestants plutôt que dans la rue à prendre des coups.

C’est un malin. Il sait inspirer des comités Théodule au sommet de l’Etat pour étudier des questions qui restent sans réponse mais qui sont des fromages dans lesquels il se glisse. Il a inventé l’économie positive, une théorie qui fait croire que les mots peuvent changer les choses du futur pour des lendemains qui chantent. Comme beaucoup d’intellectuels il a la parole facile et normative.

Comme économiste il a l’oreille des gens friqués car il dit ce qu’ils aiment entendre. Comme pour tout le monde son comportement et ses discours sont guidés par des sentiments, ce qu’il masque par des raisonnements apparemment rationnels. Au fond c’est un pauvre type qui joue la mouche du coche. La haute conscience qu’il a de sa personne qu’on pourrait appeler de la suffisance l’empêche de voir ce qu’il est vraiment.

D’ailleurs l’image ci-dessus le montre dans l’attitude du penseur de Rodin. Il soutient sa tête car toutes les pensées et la science qu’elle contient l’attirent vers le sol, surtout si l’on ajoute le poids de la modestie.

Un discours

J’aimerais savoir qui, parmi les gens qui réussissent socialement et qui nous gouvernent se sont posées un jour, de sang froid, ces trois questions surtout dans notre société ultra libérale et ultra compétitive. Les gens qui agissent ne s’embarrassent pas de questionnement. Leur attitude coule de source, ils foncent. Le syndicaliste défend les gens de son milieu social. Le prof digne de ce nom cherche à aider ses élèves. L’homme politique de modèle courant cherche à se faire élire. L’actionnaire capitaliste veut garder ses prérogatives et celles de sa caste par tous les moyens et tant pis pour le reste de l’humanité qui claque du bec. L’ambitieux se demande comment faire et qui peut l’aider pour ‘arriver’.

Que signifie prendre en main son propre futur ? Le futur, c’est le futur, c’est à dire ce qui n’existe pas encore. Comment peut-on le prendre en main et à quel âge ? Tout ce qu’on peut faire quand on a des velléités ce sont des projets guidés par les connaissances qu’on a du monde et des méandres qui permettent de se faire une place au soleil. Plus on est haut dans la pyramide sociale, plus on est près du soleil, plus les chemins sont courts et balisés pour l’atteindre. A l’opposé celui qui est à la base de la pyramide vit dans l’obscurité et, sauf exception, et aide massive n’imagine même pas ce que pourrait être, pour lui, une place au soleil. Son avenir est bouché. S’il ne se contente pas de ce qu’il est et de ce qu’il a, il cherche à améliorer son sort dans l’immédiat par la délinquance ce qui obère son futur.

Prendre en main son futur pour réussir sa vie. Mais qu’est-ce que réussir sa vie ? Pour Attali, il n’y a aucun doute, c’est suivre son exemple : arriver au niveau des puissants pour les conseiller tout en gagnant beaucoup d’argent. Pour d’autres personnes réussir sa vie c’est ‘faire du fric’ pour le jeter par les fenêtres et faire baver d’envie leurs concitoyens, s’acheter des montres Cartier ou autre Jaeger-Lecoultre, boire du vin et du champagne hors de prix, passer des séjours dans des suites d’hôtel à mille cinq cents euros la nuit, posséder un yacht le plus long possible, acheter des voitures de collection ou des peintures des millions d’euros. Pour d’autres encore c’est avoir du pouvoir pour imposer ses points de vue, défendre sa caste ou faire chier le monde. Pour tous ces gens, réussir sa vie c’est se battre comme des animaux sauvages dans des buts parfois inavouables au sein de la jungle que nous impose la société libérale.

Pour moi réussir sa vie c’est être civilisé, c’est à dire contribuer au fonctionnement de la société sans heurt, fonder une famille unie et aimante et profiter calmement des plaisirs de la vie en ne gênant personne dans le respect des lois raisonnables. En un mot être ringard aux yeux d’Attali et de ses admirateurs.

La pensée libérale est-elle un héritage de la bible qui impose aux hommes de gagner leur pain à la sueur de leur front que l’on peut interpréter comme un droit à l’inhumanité ? Un autre monde est-il possible ? Certainement, mais il n’est pas souhaité par les dominants d’aujourd’hui et de demain. Et comme ce sont eux qui possèdent le pouvoir de changer les choses … !

Voilà la grande pensée libérale : chacun est libre d’agir dans la société comme il l’entend et par conséquent si les pauvres sont pauvres c’est qu’ils le veulent bien. Ils n’ont que ce qu’ils méritent. Ce sont des feignants qui attendent que les alouettes leur tombent toutes rôties dans le bec. C’est la ritournelle bien connue des capitalistes états-uniens qui justifie toutes les injustices.

Arrive l’alibi. On trouve toujours des mal lotis par la nature ou la société qui réussissent à se hisser plus haut dans la pyramide sociale. C’est la théorie du rêve américain, on est libre : si on veut on peut. La preuve on trouve des balayeurs qui ‘réussissent’.

En France, malgré une foule de handicaps sociaux-culturels des jeunes font des études longues. Seulement voilà pour une Rachida Dati combien de laissés pour compte. Les statistiques sont là. Dans les grandes écoles, c’est à dire dans la voie royale qui permet d’accéder au sommet de la société, on trouve une immense majorité de fils de bourgeois et une infime minorité de gens issus de la classe ouvrière alors qu’elle est infiniment plus nombreuses que la bourgeoisie. On en déduit que les réussites issues des milieux populaires sont des exceptions qui tiennent du miracle. Elles sont une justification du maintien du système libéral par les nantis de mauvaise foi dont fait partie Jacques Attali : quand on veut on peut, tant pis pour les canards boiteux. Dans cet article il nous inflige donc une leçon de propagande du capitalisme. Il ne fait jamais que ratiociner une théorie que l’on a entendu mille fois.

Suite de cette chronique le vendredi 4 octobre 2019

 

INVENTION ET INNOVATION

Un problème informatique a induit un jour de retard dans la publication de la chronique 73. Veuillez m’en excuser.  PéPé.

Chronique 73 du vendredi 6 septembre 2019

Invention et innovation

Il y a bien longtemps, après m’être servi d’un rasoir à main utilisant de simples lames de rasoir interchangeables Gillette pour couper mes premiers Continue reading “INVENTION ET INNOVATION”