La cupidité et la générosité

Chronique numéro 71 du vendredi 9 août  2019.

La cupidité et la générosité

Comme beaucoup de monde, je ne suis ni cupide ni généreux et comme beaucoup de monde je suis tout simplement égoïste. C’est à dire que je suis indifférent au bonheur comme au malheur des autres. Je me contente d’être, sans me mesurer à autrui. Dans mon état fondamental, je suis un imbécile heureux paresseux. Je me considère comme un nanti parce que je me contente de ce que j’ai et qui n’est pas si mal : une retraite qui me permet de vivre sans souci (pour l’instant), un appartement à Paris, une petite maison de campagne, tous les objets qui facilitent la vie grâce à la science et à la technologie et la sécurité sociale qui permet de me soigner à moindre coût pour me maintenir en vie. Comme tout le monde ou presque j’aimerais avoir plus mais sans effort, comme gagner au loto car j’y joue pour rêver. Je me demande d’ailleurs ce que je ferais de ce plus, à part faire plaisir à mes enfants et petits enfants. Dans un état excité je suis capable de générosité, c’est à dire que je suis capable de donner sans rien attendre en échange. Mais enfin il faut reconnaître que ces moments sont rares, aussi on peut penser que je suis un peu malvenu de dénoncer la rapacité des gens qui ont notre avenir entre leurs mains.

Je ne le fais ni par envie ni par jalousie. Je ne suis ni moraliste ni philosophe. Je constate, je déplore, explique et dénonce simplement ce qui fait depuis toujours les malheurs de la majorité des habitants de la terre, car c’est la rapacité et l’amour du pouvoir de certain(e)s qui ont fait, font et feront ce qu’est le monde. L’histoire, qui est faite par et pour les nantis, les glorifie et les imbéciles souscrivent à cette glorification. Lorsque quelqu’un va à l’encontre de cette glorification il est très mal vu. Allez dire du mal en public ou sur les réseaux sociaux d’Alexandre dit Le Grand, Jules César ou Napoléon, et vous verrez.

Je suis ce que je suis et ils sont ce qu’ils sont. Nous n’avons pas choisi d’être ce que nous sommes. C’est un point de vue qui n’est pas partagé par tout le monde. La vérité dans ce cas est indécidable. Quand j’étais petit dans la cour de l’école maternelle des petits garçons tout juste sorti du choux voulaient dominer par la force et la perfidie la cour de récréation. D’où détenaient-ils déjà ce penchant ? Prenaient-ils plaisir à faire le mal ? Pourquoi si jeunes étaient-ils ainsi ? J’ai été ponctuellement leur victime. Etait-ce leur état fondamental ? Quels adultes sont-ils devenus ? Ont-ils aujourd’hui une influence sur la marche du monde ? Ce qui est sûr c’est que s’ils ont persévéré dans la voie qui était la leur quand je les ai connus, et s’ils sont restés livrés à eux-mêmes ils ne sont pas des cadeaux pour les faibles de la société et en particulier pour leur femme et leurs enfants. Je plains leurs collaborateurs s’ils ont accédé à des postes de responsabilité.

A l’opposé il y a des gens spontanément généreux. Ils sont ce qu’ils sont. Ils sont généralement mal vus des cupides qui pensent qu’ils gâchent le métier, qu’ils donnent le mauvais exemple, qu’ils sont victimes de leur sensibilité appelée sensiblerie par dérision. Pour se consoler de l’existence de personnes généreuses qui pourraient leur faire honte, les cupides les dénigrent. Parce qu’ils ne peuvent pas imaginer qu’on puisse agir gratuitement pour le bien commun. Ils s’accordent pour dévaluer l’action de ceux qui cherchent à soulager l’humanité souffrante : pour eux la bonté d’âme des gens généreux n’est qu’une forme d’égoïsme condamnable puisqu’elle leur donne du plaisir.

N’est-il pas mieux de prendre son plaisir à faire du bien plutôt qu’à faire du mal ? Qui peut dire le contraire sinon des actionnaires ?

Souvent des gens généreux de notoriété publique sont récupérés et célébrés par les dominants cupides lorsqu’ils sont morts. Ils leur font des funérailles de première classe. Ils les donnent en exemple à la foule des crédules en prenant bien garde de ne pas suivre le chemin des héros qu’ils glorifient.

Prochaine chronique le vendredi 23 août 2019

 

 

 

 

 

 

 

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